• Nuit du 30 au 31 Décembre 1998 :

    J’ai fait un cauchemar le plus terrible de ma vie, disons le plus réel.

    J’ai pris conscience en l’écrivant en 2005, que cela se passait dans la chambre de jeune fille de ma mère, et il y a déjà quelques mois (2007)  cela a confirmé que ma mère a sûrement été victime dans cette chambre de son frère aîné. J’avais toujours jusque là cette intuition jusqu’à cette séance de sophro analyse du printemps 2007.

     Ce rêve est arrivé en début de nuit, alors que d’habitude c’est au petit matin :

    "J’étais dans la maison de mes parents (pas celle ou se passait les abus) la suivante, j’avais 12 ans quand nous avons déménagé (mon père l’habite encore en 1998, il est décédé en 2001)."

    " Mon frère n’arrête pas de tourner autour de moi, je cherche mes parents partout, ils dorment dans le salon) c’est l’après midi. Je me réfugie dans la maison mitoyenne,ou habitaient autrefois mes grands parents, et plus habitée depuis une dizaine d’années.

    Je vais rapidement dans la chambre du haut (celle de ma mère donc) Et je barricade la porte aussi bien que je peux, je ferme volets et fenêtre. Il y a un lit avec des draps propres et beaucoup de couvertures, c’est douillet et chaud . Sur la table de nuit, il y a une lampe de chevet, un réveil et mes médicaments, je me couche. Mais mon frère cogne fortement dans la porte et réussit à la défoncer, il veut me toucher et me demande de le toucher, il veut avoir un rapport sexuel, je suis angoissée, terrorisée, je lui dis qu’il ne faut pas, je pleure, je crie. Je réussis à me rendre à la fenêtre, je l’ouvre et crie « au secours » mais il n’y a personne et je n’ai pas de voix. Je prends mon réveil et je le jette par la fenêtre pour attirer l’attention, et je vois une voisine mais quand je veux crier cette fois, aucun son ne sort de ma bouche (cela est fréquent dans mes cauchemars)"

     Je me réveille avec une migraine forte, je suis obligée de me lever, car j’ai l’impression que je vais retomber dans ce rêve, j’ai peur réellement et je réveille mon mari pour lui raconter. Je dors très peu et très mal tout le reste de la nuit.

    Ce rêve juste après la re-lecture du « viol du silence » sera le début d'une succession d'évènements qui vont m'amener petit à petit à travailler sur le traumatisme, à replonger dans la douleur, à retraverser l'enfer.

     Le 31 Décembre, mon mari travaille du soir. Avec mes amies, nous décidons d’aller au cinéma avant le dîner de la Saint Sylvestre. Elles choisissent le film « Festen « sans trop savoir le sujet. Je me souviendrai toujours de cette soirée, au fur et à mesure de la projection, j’éprouvais un malaise indéfinissable, j'étais là près de mes amies qui savent mon histoire, à regarder un film sur l’inceste. Le repas qui a suivi a été bien pénible pour moi, j’avais vraiment la sensation d’avoir retourné le couteau dans la plaie : plaie que je n’avais jamais commencé à soigner !!!
    Quelle fin d'année !!! que me réserve 1999 ???


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  • En cette fin d’année 1998 :

    Je commence en thérapie de « focusing » à éprouver de la colère contre mon frère (un peu), mais c’est la culpabilité qui prédomine et la honte, c’est fou mais c’est comme cela.

    Je pense aussi que je ne m’en sortirai pas, car mon frère est mort, ma psychiatre à qui je le dis me répond :
    - C’est bien cela le problème, il a fichu le camp avec cela, lui.

    Oui, je l’envie d’être mort. J’ai sans cesse envie d’être seule, de dormir, de rester couchée.
    - Non, il ne faut pas vous enfermer dans le cercle de la douleur, c’est déjà votre problématique, c’est le mimétisme maternel.
    En rentrant de cette séance, j’ai envie d’avoir un accident, de ne plus avoir à lutter.
    Quand je dis à la psychiatre que j’ai des migraines presque tous les jours, elle dit :

    - Oui c’est la tête qui a mal.

    Après une autre séance de focusing en ce mois de Décembre, je me sens si mal, j’ai une nausée, la nausée de toute ma vie, j’ai envie d’avaler ma boite de cachets.
    La psychothérapeute me demande ce qui me prend le plus la tête, c’est de me sentir trop atteinte pour m’en sortir !!!

     Le lendemain je réussis à dire à mon mari combien je suis mal depuis un mois, il voyait bien que quelque chose n’allait pas, mais il pensait que j’avais oublié, il se reproche de ne pas m’avoir parlé plus.

     Toujours chez ma psy:Plus j’en parle, plus cela fait mal !!!
    - Que voulez vous faire ? l’oublier encore ?
    Je ne veux pas vraiment mourir, mais arrêter de souffrir.
    Elle me donne des neuroleptiques et des anxiolytiques.

    Décembre :

    Nous partons avec mon mari deux jours sur la côte dans l’appartement occupé  par notre fils, pour que je puisse décharger un peu tout ce négatif (en marchant le long de la mer, je parle beaucoup à mon mari) et recharger les batteries pour les vacances de Noël qui commencent, nous allons être six à la maison.

    Noël 1998


    Comme je ne peux m’autoriser en famille à dire que je vais mal, mon corps me le dit lui :

    Gastro le 24 décembre, migraine toute la journée du 25 ; lever à midi, recouchée jusqu’à 16H. Je ne me souviens pas d’un Noël aussi affreux.


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  • Novembre 1998
    Je dis mon secret à une autre amie qui est touchée.


    Décembre 1998
    Mon amie M. me rapporte un livre qu’elle avait choisi dans ma bibliothèque quelques semaines auparavant, c’est «  le viol du silence » d'Éva Thomas. En me le rendant elle me dit : dis donc, tu te souviens de ce livre là ?

    Non je n’en avais aucun souvenir, c’est pourtant moi qui l’avais acheté, quand ??? Aucune idée.

    Je le relis et là, c’est énorme, même si mon histoire est différente de celle de l’auteur, ma souffrance, mes ressentis sont les mêmes.

    Mais comment une autre personne peut écrire des mots que j’aurais pu prononcer ? Je souligne les passages qui me parlent le plus, page après page, et je note les coordonnées de l’association SOS - inceste, c’est à Grenoble. Et je me dis : un jour je leur écrirai….

    C’est une véritable révélation, j’éprouve pendant cette lecture les mêmes ressentis, par rapport aux psys, aux personnes de l’entourage, la rancœur, la peur  envers les hommes, j’ai une partie des problèmes psychosomatiques qu’a eu cette femme. Ses écrits ressemblent tellement aux miens, c’est fou. Et surtout la souffrance d’après est la même.
    Je pense que je l’avais acheté et lu vers 1991, juste avant le début de ma dépression, et que cette lecture a été si douloureuse, si inacceptable, que j’ai du l’occulter comme j’avais à l’époque occulté le viol. Cela parait douteux pour des personnes qui n’ont pas vécu un tel traumatisme, et pourtant !!!

    Avec mon amie M. à qui je l’avais prêté, je peux en discuter, et je comprends que ma dépression a commencé lentement en 1990 après une hystérectomie, j’avais été amputée d’une partie de ma féminité, ce qui avait déclenché un grand vide en moi, comparable je le sais maintenant à tout ce que j’avais pu vivre dans mon enfance.

    C’est à cette époque et grâce à la lecture ou plutôt à la relecture de ce livre (merci M.) que je peux enfin parler de l’inceste chez ma psy et en séance de focusing, 2 ans et 10 mois après la sortie du déni, mais je vais très mal, comment faire pour sortir la tête de l’eau ? Je ne sais pas !!!
    Décembre 1998

    Période de dépression encore et tout ce qui l'accompagne: douleurs diverses, migraines, eczéma, nausées
    Période de grand vide aussi, ennui considérable: rien ne m'intéresse.
    Les enfants le sentent bien; Mon second fils ne va pas bien, il a 18 ans, pour ma fille (13 ans), c'est encore pire, elle voit sa psy, mais on dirait que cela ne l'aide pas.
    Je fais beaucoup de cauchemars: toujours un peu les mêmes, rêves de sang, de viol, puis de baptême, comme si je devais me purifier de toute cette saleté.
    Cauchemars de morts aussi, qui ne sont pas vraiment morts, qui bougent.


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  •  Juin 1998

    Ma fille va chez une pédopsychiatre depuis un an à contre cœur pour me  faire plaisir, mais après avoir lu mon journal intime elle a pris beaucoup de poids et ses résultats scolaires ont beaucoup baissé, je rencontre cette pédopsychiatre pour faire le point au bout d'un an, elle me dit que ma fille m’avait servi d’anti-antidépresseur après la mort de ma mère, mais elle n’a pas comblé le vide immense laissé par celle-ci. Je me suis autorisée à déprimer quand ma fille a eu 6 ans et a eu moins besoin de moi, et ça s’est aggravé quand elle a eu 10 ans et a été autonome.

    Et moi !!!                                         

    Régulièrement ma psychiatre fait un essai d’arrêt d’anti-dépresseur, je ne suis pas bien : décharges électriques et intérêt pour rien, je prends seulement un anxiolitique, puis reprise d’un neuroleptique en décembre 98, j’ai quand même tenu 6 mois.

    Août 98

    Dernière séance avant les vacances,  je suis très mal ensuite je ressens de la frustration car elle n’avait aucune réponse, mais aussi de la dépendance.

    - Chose difficile à entendre ; quel avantage vous avez à vous retrouver mal ?
    Après réflexion intérieure de ma part : elle parle plus quand je suis mal ( mais par la suite ça ne se révèle pas vrai à tous les coups)

    J’ai besoin que l’on me prenne en charge mais ce n’est pas avec elle que j’éprouverai ça.

    Septembre 98

    2 ans que je viens chez cette psychiatre et seulement 2 fois que j’ai évoqué l’inceste.

    Octobre 1998, en focusing

    C’est le grand déballage, je parle de mes problèmes physiques, migraines et douleurs variées, et de mes insomnies, de ma dépression.

    Je dis que je me sens plus proche de la mort que de la vie, sans mes enfants, ma vie n’aurait pas d’intérêt.

    Avec l’aide de la thérapeute, je prends conscience que j’ai besoin d’air, que quelque chose dans mon histoire m’a coupée la respiration, c’est ce qu’il faut trouver.

    A l’époque je ne voyais que l’inceste avec mon frère, j’étais encore très loin de réaliser ce que m’avait fait subir ma mère !!! Que de chemin parcouru, il aura fallu encore 7 ans pour en prendre conscience.

    Les journées de désespoir se suivent en cette fin d’année, j’essaie d’accorder des temps d’échange avec chacun des enfants, mais en prenant beaucoup de mon énergie et je profite d’une pause seule dans mon lit après le repas de midi pour évacuer dans les larmes, c’est très dur !!

    J’ai de gros coups de blues qui se transforment en angoisse quand je reçois des invités.

     Octobre 98

    C’est trop difficile chez la psychiatre, après le décès d'une tante je laisse aller mes émotions, elle ne dit pas un mot, les séances suivantes je suis tellement épuisée, je n’ai plus la force de « travailler » je veux arrêter, elle n’est pas d’accord.

    Prise de conscience, la somatisation me fait penser qu’il n’y a pas de frontière entre douleur et plaisir.

    Psychiatre en 1998

    Je lui dis que je ne supporte pas ses silences, que c’est trop difficile et tout en fin de séance je dis que je ne sais pas si je reviendrai !!!

    Elle me répond : nous avons RV le 5  (15 jours plus tard)

    Même si je ne repars pas très bien, au moins j’ai réussi à lui dire ce que je pensais, une grande première pour moi !!!


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  • Janvier 98

    2 ans de thérapie, je commence, enfin c’est la 2ème fois seulement que je parle d’inceste, je fais le lien entre mon mal être et le traumatisme au cours d’une séance seulement.

    Chez ma psy :

    Il vaudrait peut-être mieux oublier, je l’ai fait depuis 30 ans et ça n’allait pas plus mal !!!

    La psy :
    - Non il ne faut pas oublier, il faut s’autoriser à se souvenir pour ne pas transformer cette douleur en autre chose

     C’est dur, c’est si dur

    - Je comprends

    Si mon frère avait vécu j’aurais pu lui dire ma colère, ma révolte, mais là, non, ça m’aurait peut-être aidée, il m’a gâché une partie de ma vie. Pourquoi c’est encore si présent dans ma tête ?

    - C’est plutôt de bonne augure si c’est présent, c’est pour faire le travail, avancer, pour ne pas transformer en d’autres maux.

     

    Je reparle de ma culpabilité, mais ce n’est pourtant pas de ma faute, je ne savais pas ce qui m’arrivait.
    (aucune réassurance sur la culpabilité)

    Février 1998, mon anniversaire
     

    Mon mari va chez mon père et lui dit que c’est mon anniversaire, celui-ci me téléphone le soir en me disant: je ne sais jamais la date je me rappelle de celui de ton frère et de sa femme (le même jour que moi) mais pas du tien, je ne sais plus quand tu es née.                                  
    (Mais ai-je existé, moi ?)

    Mars 1998


    Dans le même temps j’essaie et démarre une autre méthode basée plus sur le corps: le focusing. Cette méthode qui est difficile à expliquer comporte aussi un temps de parole, cela me permet de mieux supporter ma thérapie analytique. Les propos de la psychiatre me font trop mal:

    "Travail sur la douleur et résistance aux changements":

    -On trouve un certain confort dans la douleur, c’est comme un cocon qui vous enveloppe, c’est une sécurité !!!

    -C’est difficile de quitter un état connu quand on est habituée.

    -Tout lâcher: c’est peut-être lâcher et quitter la souffrance, l’enfance, le passé, le  vécu.-Etre seule avec sa douleur, pour mieux l’entretenir, la cultiver: "mimétisme maternel"


    Aujourd'hui je peux le comprendre mais à l'époque cela m'a fait beaucoup de mal!!!


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