• La suite 1999

     


    Eh oui cette difficile année n'est pas finie. A toutes ces complications se greffe un problème médical, je dois subir une intervention des hémorroïdes, j'ai une grande peur, liée à la fois à la douleur (mon seuil de tolérance est très bas) et au passé, c'est encore une intrusion dans mon intimité, un manque de respect pour mon corps, c'est comme cela que je le ressens.

    Mes deux thérapeutes m'aident un peu à mettre des mots sur mes peurs, ce qui les apaise un peu (mes peurs).
    Ma psychiatre ne peut me donner d'antidépresseur avant l'anesthésie, et il faudra arrêter le neuroleptique quelques jours avant, il me reste les anxiolitiques.

    L'intervention est prévue pour les derniers jours d'octobre, c'est toute une organisation pour la maison, organiser l'accueil de la petite handicapée surtout, elle ira dans une autre famille. Mon mari et mes enfants se débrouilleront, eux.

    J'ai gardé un souvenir de cette intervention, affreux, la douleur post opératoire, après l'arrêt de la morphine est insupportable. J'avais le désir de sauter par la fenêtre à ce moment là, mais j'étais au premier étage avec une terrasse dessous.
    Des injections d'antalgiques puissants me calment un peu, je les aurai pendant trois semaines et reverrai le chirurgien trois fois.
    Pour moi cette douleur dans cet endroit là est intolérable.

    Dans le même temps, un peu avant l'intervention, j'avais pris un RV avec un autre psychiatre. Je revois ma psychiatre un mois après l'opération sans lui parler de cette nouvelle personne, je veux m'assurer que je pourrai faire un travail avec lui, que le courant passera.
    Ma psychiatre me donne cette fois un antidépresseur, je suis tellement secouée!!!

    Début Décembre 1999

    Premier Rv chez ce nouveau psychiatre, je suis très angoissée avant d'y aller, il m'a été recommandé par l'association sos-inceste, et il est aussi sexologue, bon tout cela me fait très peur.
    Et bien vraiment j'aurai été rassurée très vite, c'est un homme qui porte sur son  visage une grande bonté, une grande humanité, une douceur que je n'oublierai jamais.
    Je parle seulement de mes problèmes de dépression et je  lui dis que je sais pourquoi, sa réponse est:

    - Je suppose que vous ne pouvez rien y changer ?

    Et moi: Non c'est un inceste
    Je ne lui dis rien de plus cette première fois, ni qui, ni quand !!!
    Il demande si c'est encore très présent, et si je suis en souffrance, oui bien sur.
    Alors il explique que nous sommes faits de deux parties, il y a la petite fille en moi qui ne pouvait pas dire non, qui a souffert , qui a subi.
    Et il y a maintenant l'adulte qui veut s'en sortir, avec un désir de vivre épanouie. (J'avais dit au début de l'entretien que c'est ce qui me manquait le désir de vivre) Il a pointé: et le plaisir aussi ? c'est certain.
    Il dit que cette femme adulte se défendrait si un homme voulait l'agresser, il me fait imaginer la petite fille avec une mentalité adulte, elle pourrait le dire à un adulte de confiance. Je me souviens que adolescente je me voyais parler à mon institutrice sans mettre de mots sur le contenu de cet écoute.
    Il trouve que c'est très important cela.
    Il pense que si je ressens toujours de la douleur c'est que je ne l'ai pas assez criée, dite, il faut la revivre avec des émotions d'adulte.
    Je lui dis que je n'ai pas encore trouvé l'endroit pour cela, cela se pourra se faire chez lui.

    Il me propose un travail en thérapie comportementale et cognitive, je lui demande quelques explications. Il dit qu'il faut une séance toutes les trois semaines, je trouve que ce n'est pas beaucoup, mais bon !!!
    Il dit aussi que c'est une thérapie courte, elle sera de 3 ans 1/2 pour moi, plus une thérapie de couple avec mon mari plus tard.

    Il me propose de réfléchir pour reprendre un RV, non je le prends aussitôt près de la secrétaire.

    Je repars de ce premier entretien avec un immense espoir, j'ai vraiment été entendue dans ma souffrance, je sens que je vais pouvoir sortir tout ce négatif en étant bien entourée.

    Je suis très émue, mais heureuse. Je pense que j'ai cette fois sûrement trouvé le bon thérapeute







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  • Angoisse quand tu nous tiens



     Quelques jours plus tard, c'est toujours très difficile et je doute que la partie soit gagnée, j'ai beaucoup de crises d'angoisse, je vais essayer de décrire l'une d'elle:

    Crise d'angoisse: Une matinée par exemple, je n'arrive pas à la gérer seule, je prends RV chez mon homéopathe, mais c'est pour la semaine suivante, et je ne peux rien lui dire au téléphone.
    J'appelle le dernier psychothérapeute que j'ai vu, il est en entretien, ne peux pas parler, me propose de rappeler le soir ( j'espère que l'angoisse sera passée), c'est maintenant, là tout de suite que j'ai besoin d'en parler. Mes amies travaillent, l'asso sos-inceste, ce sera le répondeur.
    Alors je me décide à composer le numéro de sos-amitié. C'est occupé très très longtemps, mais je persiste à faire le numéro sans cesse, c'est la première fois que je les appelle, mon entêtement a joué en ma faveur, j'ai une femme au bout du fil.

    Tout de suite elle me dit qu'elle me sent oppressée et m'aide à respirer, elle me rassure en disant que nous avons tout notre temps. Je lui parle surtout de mon angoisse du moment présent. Elle me demande si j'ai des mots à mettre dessus, je réponds que je connais le problème de fond, mais que cela ne change rien. Je parle de mon arrêt de traitement, de mes thérapies. Puis je raconte quelques brides de mon histoire, elle dit que c'est long pour se sortir de ce traumatisme, qu'il faut supporter les vagues. Je pointe que j'aimerais bien supporter ces vagues sans autant d'angoisse et sans trop de médicaments. Elle comprend, écoute, rassure. Nous parlons aussi de la dépendance aux traitements, aux psys.

    Echange de 30 mn ou j'ai pu déballer, pleurer en étant écoutée, comprise, sans jugement. Je vais mieux après cet appel et je peux reprendre mon travail de maison, la crise est bien atténuée.

     Cette période là est remplie de cauchemars:

    - cauchemars d'agression

    - cauchemars de morts connus qui bougent dans le cimetière ou ailleurs.

     Je prends conscience aussi que j'ai toujours été en hyper activité à l'extérieur, à la maison, sûrement pour ne pas penser, pour ne pas ressentir le vide aussi qui laisserait trop de place aux pensées négatives et douloureuses.





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  • Fin Septembre 1999



     Nous partons en Angleterre voir notre fils avec mon père et ma belle mère. J'ai toujours du mal à supporter cette dernière.
    Et pendant la traversée je me rends compte que j'ai oublié une partie de  mes médicaments, acte manqué ? En tout cas cela va être difficile:
    Problèmes d'agacement, d'angoisse et d'insomnie. Le summum ayant été le départ d'Angleterre avec la séparation d'avec mon fils une nouvelle fois. J'ai beaucoup de mal à retenir mes larmes, nos amis Anglais ont été très chaleureux.

    En arrivant à la maison, quel dilemme: ne pas reprendre mon traitement mais je me sens mal.
    Ou en reprendre un peu !!!

    Je me décide à rappeler le thérapeute sexologue qui semblait bien gérer les traitements.

    Il s'est renseigné, me conseille de ne pas en reprendre, me propose un entretien que j'accepte. Il me dit qu'il faudrait une thérapie plus soutenue une fois par semaine avec la psychothérapeute. Il me conseille aussi de prendre du calcium et du magnésium car j'ai des décharges électriques. J'ai souvent très froid et des problèmes digestifs dus à l'angoisse. C'est vraiment pénible le manque du au sevrage.
    Le lendemain tout prend plus d'ampleur, je rappelle ce psy qui propose de me voir l'après midi même.
    En entretien, il décrit très bien tous les problèmes physiques que je ressens sans que je lui dise. Il conseille de persister encore, mais si vraiment je ne tiens pas, reprendre des petites doses, et  me reposer, d'éviter de rester seule aussi.
    Il me dit aussi que ce serait bien de reprendre contact avec sos-inceste pendant les vacances de ma psychothérapeute.
    Il dit aussi que quand on a vécu l'inceste, la dépression se déclenche souvent vers la quarantaine et que le souvenir refait surface après. C'est exactement cela pour moi: début de dépression à 39 ans, et réminiscence à 44 ans.

    Six jours sans traitement: Le sommeil est meilleur, mais je fais beaucoup de cauchemars. Je me réveille souvent en larmes le matin.

    Jour + 9: Je pense que la partie est gagnée, malgré les nuits courtes, les cauchemars, les angoisses, surtout quand je suis seule à la maison.




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  • Toujours en 1999



    En continuant mon travail thérapeutique, je prends conscience de beaucoup de choses: La psy fait toujours le lien avec l'enfance et la relation à ma mère. Je me rends compte que j'étais dans le non-dit avec elle, je lui avais caché que j'avais subi l'inceste et je ne peux même pas lui dire maintenant puisqu'elle m'a fait la mauvaise farce de partir. Oui c'est vrai, je lui aurais dit si elle avait été encore en vie.

    Je me décide à espacer tous les mois chez la psychiatre, elle tique un peu mais je m'affirme.

    A cette époque là je vais pour une ou deux consultations chez un psychothérapeute sexologue, pour voir si je peux résoudre mes problèmes. J'ai été un peu surprise et décontenancée lors de la première rencontre. Il a en effet beaucoup dénigré les médicaments que je prenais et conseillé de les arrêter.
    Mais il a expliqué des choses intéressantes:
          - La dépression vient avec la naissance et le traumatisme causé par celle ci.
          - L'inceste est un second trauma très grave
          - C'est tout ce que l'on garde en soi de douloureux qui cause la dépression, et il faut un travail en profondeur pour évacuer cela, en parlant, en laissant remonter les émotions qui peuvent être des larmes de tristesse ou de colère.


    Justement le problème pour moi, c'est bien que je n'ai pas réussi à sortir cette colère

    Il trouve que j'ai une histoire très lourde et que les problèmes de sexualité sont évidents avec l'inceste, la dépression et les traitements.

    Il explique aussi que quand il y a angoisse de séparation avec les enfants, c'est qu'il y a perte d'un être cher et deuil non résolu.

    Je repars de chez lui sonnée et épuisée. Et pas vraiment satisfaite, car pas de réponse à la question qui m'amenait chez lui.
    Mais avec le recul, en écrivant cette séance le soir, je suis très contente.







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  • Ces vacances 1999, passées avec nos deux plus jeunes enfants au Portugal m'ont laissé un souvenir très agréable, de détente, de lâcher prise, après ces mois de souffrance intense.
    En rentrant en voiture, je fais un petit bilan:
      - Je vais mieux qu'au printemps, j'aimerais réussir à me maintenir dans cet état.
      - Je prends conscience qu'en ayant dit à ma psychiatre que j'allais mieux, je suis retombée très vite dans un état d'angoisse. Après, la peur de retomber dans cet état là que je connaissais tellement, m'a envahie.
    Mais n'était ce pas plutôt la peur de l'inconnu ? la peur d'aller bien ?

    La psychiatre me disait que c'était une résistance au changement.

    C'est vrai que c'est un véritable apprentissage pour être heureux et le dire, le montrer, le reconnaître.
    Ces angoisses arrivaient surtout quand je disais que je me sentais mieux aux personnes qui m'aidaient beaucoup !!!

    Je pense que c'était aussi la peur de ne plus pouvoir dire ma souffrance, et cela faisait résonance avec le passé, ou il m'avait fallu me Taire.

    - Et puis j'apprends en ce retour de vacances à ne plus me mêler des conflits des autres, je me coupe un peu d'eux quand je ne suis pas concernée, et c'est beaucoup moins fatigant et stressant.

    - Je prends conscience aussi que l'association va vraiment m'aider à m'en sortir. Mais elles disent toutes qu'il y a un bout à la souffrance, j'ai encore beaucoup de mal à le croire. On ne peut pas oublier, ni le mal qui a été fait, ni les conséquences de tout cela, bien difficiles à supporter.


    Le retour à la maison est un peu plus difficile, la reprise du travail, je n'ai pas envie non plus de me replonger dans la thérapie.

    J'ai réussi à diminuer mon traitement en vacances, il va falloir que j'apprenne à gérer mon temps et la fatigue qui mènent vers trop de stress et conduisent à la dépression !

    Parce que cet état dans lequel je me trouve en rentrant est très satisfaisant et agréable et j'aimerais vraiment que cela dure.

    Au groupe de parole suivant à sos-inceste, je peux parler des décès de mon frère et de ma mère, j'ai encore du mal à les accepter. Ma mère en particulier me manque beaucoup, j'aurais tant aimé lui confier ma souffrance, elle est vraiment partie trop tôt !!!
    Et je n'envisage pas un instant révéler à mon père cette histoire d'inceste, c'est pourtant ce que je ferai l'année suivante, comme les choses évoluent, heureusement !!!

     Mais Septembre est vite arrivé, et je ne supporte toujours pas ces séances, cette douleur en sortant qui me feraient tout lâcher, surtout le volant sur la route du retour et cette envie de fermer les yeux. J’ai toujours un traitement, des neuroleptiques qu’elle me prescrit, et un autre pour les migraines donné par le centre anti douleur.


    Je reprends ma thérapie chez ma psychiatre et lui fait part de mon état qui s'est nettement amélioré, mais aussi de ma prise de conscience par rapport à ma course après le temps. J'ai vraiment un problème à ce niveau là, lié à mon travail à la maison.
    Elle me demande si ce sont les tâches ménagères qui me mettent dans la contrainte, oui bien sur !!!
    Elle explique que c'est le mimétisme maternel qui ressort là, que ce n'est pas la réalité.
    Je pointe que ma mère avait pourtant beaucoup moins de travail que moi, mais elle dit que ma mère réagissait comme cela avec moi, que je me sentais un poids pour ma mère ( c'est bien vrai ) et que je fais sentir aussi cela à mes enfants, c'est de l'agressivité.
    Je trouve que c'est vraiment dommage pour les enfants.
    Je pointe aussi mon impossibilité à rester à ne rien faire à la maison, elle me dit que je n'arrive pas à lâcher prise, à me laisser aller. Quel danger cela représenterait pour moi de lâcher?





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