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    Premier jour de soins:

    Je retouve avec plaisir l'établissement thermal et les soins: douche, bains bouillonnant et à jets, massages sous l'eau. j'ai surtout la mémoire des odeurs de toutes ces années ou j'allais si mal de 1994 à 1997.

     

    Des nouvelles de la maison:

    Ce n'est pas simple pour mon mari, il a du mal à gérer le quotidien avec les enfants grands adolescents. Ce n'est pas la joie pour moi après l'appel, je suis angoissée.

     

    Les jours se suivent, l'épuisement est toujours là, les nuits sont mauvaises et la migraine s'installe. Je passe à l'infirmerie des thermes, ma tension est bonne, l'infirmier me dit que c'est normal cette fatigue la première semaine, on décompresse.

    Je fais seule une sortie cinéma, les migraines nuit et jour me fatiguent énormément. Je fais de nouveau contrôler ma tension, elle est trop haute cette fois, l'infirmier appelle mon médecin thermal qui dit que je peux passer en fin de matinée, après les soins.

    Ce que je fais, j'attends longtemps puis il me fait entrer, il est de très méchante humeur, il me reproche de ne plus savoir le nom des médicaments que j'ai pu prendre auparavant pour les migraines, il précise qu'il est débordé.

    Je lui dis que mon moral était en baisse cette semaine, il me reproche d'avoir attendu 4 jours pour aller le voir avec ces migraines, et de ne pas dire les choses. Je dis que j'ai du mal, il répond qu'il le voit bien. Du coup je profite de ces mots pour lui dire que je me suis sentie angoissée au début quand j'ai vu que ce n'était plus lui qui faisait les douches.

    Et là, j'ai touché sans le savoir le point sensible, sa réaction est incroyable pour un psychiatre.

    Il dit que cela l'énerve d'entendre ça, qu'une année il est même allé au tribunal, que pas un patient ne l'a défendu, ni même la direction.

    Je précise que je n'étais pas là, et que ce qui m'avait angoissée, c'est de ne pas pouvoir lui dire chaque jour si j'allais mal.

    Il reprend, en disant d'aller le dire à l'infirmier, que ce n'est pas en ne réagissant pas, que je lui fais une bonne réputation, que les gens diront " ah vous êtes avec le Dr F. il n'est pas si bien que cela alors! "

    Il rajoute: Vous savez, la médecine thermale pour moi c'est de l'argent de poche, j'ai une clientèle libérale et je ne prends que le dimanche matin de repos mais on se fout de ma santé. D'ailleurs l'an prochain j'aurai mon cabinet ailleurs que dans mon domicile et je rentrerai tranquillement chez moi le midi. Et ensuite je laisserai peut être tomber les thermes.

    Dire que je suis venu ici pour la médecine thermale et psychosomatique !!!

    Tout est dit sur le ton de la colère, mais je ne me suis pas encore rendue compte qu'il pétait les plombs, et sur ses conseils je continue de dire ce que je ressens.

    & Mais moi je ne dérange pas un médecin au bout de deux jours de migraine.

    - J'ai horreur que l'on dise cela, à quoi sert le médecin alors ? Maintenant la crise est installée, c'est au début qu'il fallait traiter, pas au bout de 4 jours.

    & Mais j'ai pris le traitement que j'avais et cela fait seulement 2 jours, je suis allée voir l'infirmier hier, c'était le 2 ème jour. Ma tension était bonne, je suis retournée le voir ce matin, il vous a appelé.

    - Oui, oui il m'a téléphoné et dit que vous passeriez demain.

    & Non, j'étais avec lui il vous a demandé que je passe ce midi.

    - Si vous le prenez comme cela, moi je ne veux plus vous voir, je vous donne un antalgique.

    ( Depuis 10 minutes je suis effondrée, je réussis à m'exprimer en pleurant )

    Il me raccompagne indifférent en bougonnant, je suis incapable de lui dire au revoir et sur son palier il me dit:

    - Si vous le prenez comme cela, ce n'est plus la peine de revenir, je ne veux plus vous voir.

    & Je n'étais pas bien avant de venir, je suis encore plus mal.

    - Ah vous allez bien raconter cela à tout le monde.

    " Mais il est fou !complètement ! et dire que c'est un psychiatre "

    Je descends l'escalier dans un état lamentable, je me sens jetée, insultée, trahie, agressée, traitée comme un objet.

    Je suis mal, mais j'ai une certaine satisfaction d'avoir pu réagir comme je l'ai fait, même si j'ai fait exploser sa colère. c'est la preuve que j'ai déjà changé.

    J'avais entendu dire qu'il avait des problèmes avec les autres médecins et quelques curistes, cela ne m'étonne pas du tout, il m'a paru caractériel.

    J'allais pour trouver une solution pour calmer mes migraines, pas pour entendre ses bêtises et être prise en otage de ses confilts personnels.

    J'ai eu l'impression de ne pas être entendue, comme dans mon enfance mais cette fois je ne suis pas restée passive je me suis défendue.

    Je passe à la pharmacie et je suis en larmes, on me propose un verre d'eau que j'accepte et je prends un anxiolitique, la pharmacienne me demande si cela va je lui dis que je viens de me faire engueuler par C F. elle me dit de laisser tomber.

    Je reprends mon vélo pour rentrer chez moi, mais mes pensées ne sont pas belles, je passe au feu rouge volontairement sans regarder en espérant qu'un camion arrivera.

    En arrivant, j'ai besoin de me confier à quelqu'un, oui mais à qui ? j'apelle la responsable des thermes, elle est à l'écoute, me dit que je pourrais porter plainte pour tout ce qui vient de se passer. Elle dit que cela arrive au Dr F de péter les plombs de temps en temps. Elle me donne rendez vous pour le lendemain matin aux thermes et me dit que l'on va programmer le reste de la cure avec un autre médecin.

    Elle dit qu'elle ne peut pas me laisser comme cela et seule, elle m'envoie un médecin. Je vais m'allonger, j'ai un premier appel du samu, puis un second et enfin un médecin passe qui me donnera un tranquillisant, me rassurrera et avant tout cela m'écoutera raconter ce qui s'est passé à son grand étonnement.Il me rappelle une heure plus tard pour nouvelles, je me suis enfin calmée.

    Ma logeuse passe me voir et mon mari m'appelle en soirée, cela me fait du bien de dire.

     

    A suivre

     


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    Et voilà, ce 15 Juillet 2000, je prends le train qui me conduit à presque 900 km de chez moi. La séparation d'avec les miens est difficile pour moi.

    Mais une fois dans le train je me sens mieux, je suis tellement épuisée que je me repose en écoutant du Mozart.

     

    L'arrivée à Divonne est bien agréable, la propriétaire de mon logement est venue me chercher à la gare, et une fois que j'ai pris possession de mon appartement, je dois encore me reposer avant de ranger mes affaires. La journée de voyage a été longue avec les deux trains et le car, comme d'habitude ma valise était lourde, j'ai même demandé à des jeunes de me la porter pour descendre un escalier à la gare, j'ai remercié avec une pièce de 10F.

    Le lendemain j'ai rendez vous chez C F, psychiatre pour la visite de début de cure. Je ne l'avais pas vu depuis 3 ans, je lui fais part de tout ce qui s'est passé pendant ces trois années, surtout depuis que j'ai relu le livre d'Eva Thomas et que j'ai pu parler vraiment de l'inceste, en thérapie et à l'association.

    Il me demande si tout va bien au niveau professionnel, je lui dis que j'ai changé de travail, arrêté celui en institut et que j'accueille à temps plein un enfant handicapé. Je précise que cela me convient mieux.

    Il me pose des questions sur mon couple, je dis que depuis que j'ai changé de psy, je réussis beaucoup mieux à échanger avec mon mari, qu'il m'aide, me comprend, et qu'il est très patient.

    Il demande comment cela se passe avec les enfants, je parle des quelques problèmes liés à l'adolescence, mais que depuis que je leur ai raconté mon histoire l'année précédente, la relation est plus facile, ils sont rassurés de savoir la cause de ma dépression.

    Il précise que c'est mieux de savoir pour eux, ils comprennent quand cela ne va pas.

    Il me demande ou j'en suis avec les deuils. Je réponds que c'est encore difficile, il me fait préciser le problème central : l'inceste.

    Je parle de l'association, des groupes de parole, il trouve ça très bien. Il est bien d'accord que d'avoir pu sortir ma colère contre mon frère a été bénéfique.

    Il me reparle de la culpabilité, je dis que c'est plus clair à ce niveau depuis que je vais à l'association. Je précise que je me culpabilise de ne pas aller bien et de gâcher la vie de mes proches. Il dit que c'est très long pour se sortir de ces histoires. Il approuve mes démarches dans les cimetières. Il dit que c'est un problème très grave l'inceste et que la reconstruction est longue.

    Puis il aborde la cure en précisant que ce sera une cure de relachement, qu'en plus des soins il faudra du repos, des sorties, voir des gens.

    Je lui signale que je n'ai pas envie de raconter mes histoires à d'autres personnes, ni d'entendre celles des autres. Il dit qu'il y a toujours des gens positifs qui viennent pour se détendre.

    Il trouve que j'ai pris un virage, ça évolue bien et la cure va permettre une pause. Il revoit mon traitement, change l'anti dépresseur, augmente de quelques gouttes le neuroleptique pour les premiers jours.

    Quand je précise qu'il y a sans doute une partie de moi qui refuse d'aller bien ( ce que j'ai entendu par d'autres psys ) il dit que cela rejoint la culpabilité et que c'est elle qui m'empêche d'aller mieux, qu'il faudrait la transformer et en vouloir à ceux qui m'ont fait du mal.

    Il pense que modifier le comportement avec une thérapie comportementale comme celle que je suis à cette période là, c'est bien, c'est ce qui permet de changer.

    Je lui annonce que j'écris toujours mon journal intime commencé sur ses conseils ici 4 ans auparavant. Il trouve que c'est bien de continuer à écrire et si des choses nouvelles remontent ici ou si des cauchemars surviennent il faudrait les noter et on travaillera dessus.

    Je dis que j'ai parlé de mon histoire à quelques personnes de plus, mais que je n'arrive pas à en parler à mon père.

    Il précise que pourtant il était censé me protéger, que l'interdit de l'inceste existe dans toutes les cultures, et est pratiqué partout. Mes parents auraient du voir et me protéger. Ce serait bien de penser parler à mon père, je lui réponds: surtout pas, il a 82 ans, il est très émotif dès que l'on parle de soi.

     

    La conclusion du psy:

    Si vous avez du bonheur et êtes heureuse pendant votre cure, que vous voyez votre vie en positif, si vous trouvez un épanouissement, vous allez en prendre l'habitude et vous continuerez de fonctionner ainsi en rentrant chez vous.

    Ma conclusion:

    Tout a commencé ici il y a 4 ans, et je voudrais bien que la douleur, la souffrance se terminent ici aussi cette année.

    Le psy : Cela devrait aller, c'est bien tout le travail que vous avez déjà fait.

     

    Entretien de 45 mn toujours aussi intéressant avec C F.


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    Si j'ai noté la dernière fois que c'était la dernière partie du 6ème chapitre, c'est que juste à ce moment de ma vie en juillet 2000, une page s'est tournée, un chapitre s'est clos.

    Bien sur il y en aura d'autres, beaucoup d'autres, mais cette souffrance là, immense, prise de conscience oh combien douloureuse est beaucoup, beaucoup moins prégnante, importante, destructrice.

    Et c'est bien le fait d'avoir pu tout ce printemps 2000 parler à coeur ouvert aux différents protagonistes, mettre autant de mots sur mes maux, poser des actes qui sera à l'origine de cette diminution de ma souffrance.

    Cette décision de partir en cure thermale à Divonne les bains pour prendre du recul par rapport à tout cela, pour me refaire une santé, pour m'isoler de ma famille me permettra de prendre un nouveau départ dans ma vie.

    Même s'il y a eu encore dans les années qui ont suivi d'autres prises de conscience douloureuses en particulier par rapport à ma mère, d'autres traumatismes de la vie, il y aura aussi cette force intérieure qui fait partie de moi maintenant.

     

     A suivre



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    Après le questionnaire habituel, relaxation dynamique. Elle induit les images à intérioriser.

     

    " Je suis au bord de la rivière, sous des peupliers, l'eau coule avec un bruit agréable. Il y a un pont à côté, mon mari est à la pêche tout près.

    Je pense à une valeur ( difficile de trouver ), puis je pense à un problème, seulement un. ( pour moi ce jour c'est ma visite programmée au cimetière)

    Puis je reprends ma valeur et je l'ajoute ( tout cela en faisant de la respiration sophronique )

    Je pense ensuite à mon programme d'aujourd'hui, ce que j'ai à faire............

    Puis c'est la désophronisation, je m'étire, je baille et ouvre les yeux (  trop vite me dit elle )

     Elle pointe que je fais tout trop vite dès que je m'occupe de moi. Elle conseille de faire ces exercices de sophro dès que c'est possible ( en faisant mon ménage et au moins lors de deux pauses dans la journée )

     Je repars frustrée, elle ne m'aura pas laissé le temps de parler lors de cette séance, je crois que mes réactions lui font peur.

     Quelques heures après cette séance, j'ai plein de manifestations psychosomatiques: nausées, vertiges, migraine, douleurs de dos.

     

    Visite au cimetière sur la tombe de ma mère:

    Je dispose des fleurs dans un vase, des fleurs de mon jardin que j'ai cultivées avec amour. Je parle à ma mère pendant 20 minutes, je lui demande de m'aider à m'en sortir, je lui raconte ce qui est arrivé avec mon frère, combien j'ai souffert et tous mes efforts pour aller mieux. Je lui pardonne de ne pas avoir vu, d'avoir été dure avec moi. Je lui dis qu'elle peut peut être pardonner à mon frère, moi pas.

    Je lui demande de m'envoyer un signe avant mon départ en cure si elle m'a entendue. J'ai beaucoup pleuré c'est très dur. Je pleure encore en retrouvant mon mari qui m'attend dans la voiture, je suis épuisée.

     C'était la veille de l'anniversaire de sa mort, 15 ans après, et j'écrivais sur mon journal:

    " Maman, je taime très fort, aide moi "

    Le lendemain je rapelle mon psychiatre pour lui faire part de ma démarche au cimetière, comme il me l'avait proposé, il me dit que 20 minutes, ce n'est pas assez long, il conseille d'y retourner pour ne plus avoir d'angoisses. Je lui dis que je retournerai seulement en rentrant de cure, je n'ai pas vraiment le temps avant de partir le surlendemain.

    Ce soir là a lieu le groupe de parole à l'association, je suis bien fatiguée, mais je tiens à y aller. Quand je prends la parole, je déballe tout ce que j'ai vécu depuis un mois. Je le fais en pleurant, on me dit que je suis au coeur du problème, que c'est douloureux, mais que dans le tunnel, j'aperçois la lumière.

    Finalement je retournerai au cimetière le lendemain, je me sens plus en paix à cet endroit, je remercie ma mère de petits signes:

    " Un appel de mon père avant mon départ"

    " L'acceptation par tout le monde et surtout par mon mari enfin"

    " La paix intérieure que je commence à ressentir"

      ( Bon maintenant je me dis que c'était plutôt des signes du Christ que de ma mère ! )

    Mais tout d'un coup, dans ce cimetière, je sens qu'elle m'accompagne, qu'elle est avec moi et qu'il ne peut rien m'arriver. Je ne regrette pas d'y être revenue pour partir en paix.

     


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  • C'est le dernier rendez vous avec mon psychiatre avant mon départ en cure, il était programmé depuis longtemps.

     

    Je lui fais part de mon échange avec ma nièce, fille de mon frère, quelques jours auparavant, quand je lui ai demandé le souvenir qu'elle avait de son père, elle m'a répondu qu'elle n'en a que peu de souvenirs, c'est étonnant elle avait 11 ans lors de son décès.

    Puis je parle une nouvelle fois de la relation avec mon fils ainé, le psy me demande si je lui accorde assez de temps. Je précise qu'il me semble que oui, le psy parle alors de dépendance pour mon fils, (  je suis bien d'accord ) je souligne la dépendance financière, il dit que souvent les parents l'entretiennent en assurant le gite et le couvert, qu'il vaudrait mieux donner une somme chaque mois et qu'il se débrouille.

    Je précise qu'il a travaillé cette dernière année d'études en Angleterre, mais qu'il a terminé et qu'il est en recherche d'emploi.

    Le psy m'aide à faire la différence entre fatigue physique et fatigue psychique et laquelle amène l'autre.

    Je lui dis que j'ai peur de mes idées noires en voiture, que l'autre jour j'avais vraiment envie de fermer les yeux et lâcher le volant.

    Il m'aide à réfléchir sur ce que je pourrai faire en cas de survenue de ces idées. Puis il démontre que ce n'est pas une solution que ce serait donner raison à mon agresseur qui a en quelque sorte tué quelque chose en moi.

    Il précise que ce n'est pas cela qui va faire changer le travail chez lui, quand on veut se suicider on assume ce choix et on est seul responsable.

    Puis il me demande d'aller sur la tombe de ma mère pour lui dire tout ce que je n'ai pas pu lui dire avant sa mort. Je lui réponds que c'est très dur, il me propose de l'appeler après.

    Je le trouve vraiment aidant, chaleureux et disponible.


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