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    Mon père commence à avoir des problèmes de santé en février 2001
     
    Ce matin là mon père m'appelle pour me dire qu'il souffre beaucoup du dos, que le médecin  venu le voir a dit que c'était une déchirure musculaire, il a fait faire des radios, et une prise de sang. Je ne m'inquiète pas outre mesure, il a 83 ans, et il a une bonne résistance physique ayant eu peu de problèmes médicaux, mise à part son intervention de la prostate en septembre dernier, mais qui s'est bien passée.
    Il me rappelle le lendemain pour dire que son médecin vient de l'appeler, en fait c'est une pneumonie visible aux radios et à la prise de sang, il est fiévreux et bien fatigué lorsque nous allons le voir l'après midi même. Je vais lui chercher ses médicaments à la pharmacie, ma belle mère ne conduisant pas et habitant un village ou il y a peu de commerces.
    Je me prends un peu la tête avec la santé de mon père, ma belle mère étant difficilement supportable.
     
    C'est à cette période là comme par hasard que ma fille commence à nous causer de gros soucis. Je lui avais confier des feuilles de soins et demande d'entente préalable de kiné ( j'ai fait déjà pas mal de séances ) à mettre à la caisse de sécurité sociale qui se trouve à côté du conservatoire, je les retrouve dans sa poubelle, il y avait 2000 Fr à revenir. Du coup, je regarde sur ses étagères de bibliothèque s'il n'y en a pas d'autres et je tombe sur un papier plus qu'inquiétant:
     
    "J'ai envie de partir, de m'envoler au loin, ce monde est bizarre et je ne le comprends pas, je veux m'enfuir. J'ai l'impression de pas exister, bizarre comme impression, indescriptible......doucement m'éclipser de ce monde, le quitter et rentrer totalement dans mon monde à moi, je n'ai plus le courage d'écrire. Cette vie est peut être cette mort qu'on a déjà vécue."
      
    Je suis époustouflée, angoissée, je n'ai pas vu qu'elle allait aussi mal, j'en fait part à mon mari le soir, il n'y croit pas non plus. Elle a 16 ans !
    Le lendemain elle me fait la tête parce qu'elle a vu que j'ai fouillé sa bibliothèque, je lui dis mon mécontentement pour les feuilles de sécu, j'ai du aller à la caisse pour essayer d'arranger tout cela. Pendant ce temps, son père a refusé de l'emmener en ville pour qu'elle retrouve ses copines de lycée. Elle s'est renfermée dans sa chambre, puis elle ne déjeûne pas et part attendre le car qui passe une heure plus tard, son frère pour nous apaiser, va la chercher à lk'arrêt de car et l'emmène en ville.
     
    Heureusement, j'ai une séance chez mon psy cet après midi là, je vais pouvoir demander des conseils pour savoir comment agir avec ma fille.

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    Février 2001
     
    Je me trouve à téléphoner à mon amie S. qui me demande si je dors bien, et justement cela fait deux nuits que je passe presque blanches, en lui disant cela, je réalise que je ne suis pas allée au cimetière comme me l'a recommandé mon psy.
    L'après midi même je décide donc de faire cette démarche, je vais d'abord sur la tombe de mon frère, je me sens bien remontée et règle mes comptes. Je lui dis que je l'aime mais que je ne peux pas lui pardonner. J'ai quand même l'impression d'avoir fait la paix.
    Ensuite je change de cimetière pour aller sur la tombe de ma mère, je dis aussi ce que j'ai à lui dire, puis je vais me recueillir sur la tombe de ma cousine âgée. Le discours commun aux trois a été de leur dire de me fiche la paix maintenant, que j'ai tout fait pour m'en sortir. j'ai demandé à ma mère de m'envoyer un signe dans les jours qui suivent pour me montrer qu'elle m'a entendue. J'ai encore versé des larmes sur la tombe de ma mère, deuil si difficile à faire.
    La nuit suivante, je refais un cauchemar; cette fois j'assiste impuissante au viol de mon fils par un inconnu, je me sentais très mal.
     
    Je me décide à recontacter le prêtre qui me donne un rendez vous, comme d'habitude autour d'un café. Je lui fais part de mes tourments actuels et de mes questionnements. Comme d'habitude nous avons un échange intéressant mais je le sens plus hésitant dans ses réponses.
    Je lui dis que je suis interpellée par certaines béatitudes, par exemple "heureux ceux qui souffrent", il me répond qu'il vaut mieux remplacer heureux par "en marche", que c'est beaucoup mieux.
    Je dis ou j'en suis par rapport à mon frère et que j'espère que là ou il est, Dieu lui a pardonné et que j'espère qu'il est heureux, le prêtre me répond: bien sur, cela ne peut pas être autrement, Jésus n'est pas venu sur terre pour sauver les hommes s'il les rend malheureux. Je parle de ma démarche dans les cimetières, il trouve cela très bien. Quand je lui dis mon émotion sur la tombe de ma mère, il dit que ces enterrements là ont du être très durs, j'affirme que oui et qu'à la première fête de Toussaint après la mort de mon frère, j'avais envie de mourir pour le retrouver. Il est étonné puis rajoute que c'est merveilleusement bien après la mort, que la vie sur terre n'est rien à côté. je raconte la mort de ma mère pendant nos vacances, l'annonce de la maladie non guérissable pour elle alors que j'étais en fin de grossesse, il n'est pas étonné que je fasse des cauchemars. J'évoque un peu la mort de ma tante, il dit de ne pas culpabiliser de tout cela, que les cauchemars s'estomperont et disparaitront.
     
    Je dis que mon psy me dit d'être égoïste et que dans la religion, on prêche plutôt le contraire, il dit que cela revient au même, car quand on s'occupe de soi on est plus disponibles pour les autres. Il faut d'abord s'aimer, avec ses défauts, avec ses douleurs, avec sa dépression etc.
    Quand je parle de mon mari, il me dit d'être bonne avec lui, puis j'ajoute que je ne supporterais pas de le perdre, ni mes enfants, que je ne supporte pas les séparations. Il n'est pas étonné. Il rajoute que les morts ne sont pas responsables de nos souffrances, qu'il ne fallait pas leur en vouloir, non je ne ressens pas cela non plus.
    Je dis aussi que quand j'étais enfant, je priais pour que nos mourions tous ensemble, je n'ai pas vraiment été entendue. Le prêtre me dit que j'étais déjà marquée par la mort et que j'ai du beaucoup souffrir quand j'ai perdu mes proches.
    Nous avons abordé les thérapies de groupe, il en a fait une lorsqu'il avait 60 ans et il en parle un peu. Il ajoute que mon psy me faisait un cadeau en me proposant cela.
     
    J'étais très tendue pendant tout l'entretien, j'ai aussi pleuré un peu. Mais je repars épuisée et la tristesse est encore là, parler des disparus comme cela ça ne laisse pas indifférent.
     
    Je retrouve mes amies ensuite pour un apéritif et une séance cinéma, mais je ne peux pas parler de ce que je viens de vivre, alors  le cœur n'y est pas du tout, dommage.

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    Au rythme d'une tous les 15 jours, ces séances ont étayé ma vie en 2001. Même si je me sentais mieux, j'avais besoin de mettre des mots sur ce que je vivais surtout, et encore un peu sur le passé.

     

    Je dis au psy pour une fois que je vais bien, il relève aussitôt, il n'a  pas tellement l'habitude de m'entendre le dire. Il me demande si j'ai la tête moins pleine, oui quand même et si elle me fait souffrir, je n'ai eu qu'une crise de migraine en 15 jours. Je lui fais part par contre des cauchemars de mort qui sont encore présents.
    Comme d'habitude il lit mon cahier, comme j'ai très peu écrit, il me fait la réflexion. Il conseille tout de même de noter les cauchemars pour voir le contenu, s'ils sont différents de ceux d'avant. Je réponds que le contenu est le même pour les cauchemars de mort, mais que je ne fais presque plus de cauchemars d'agression. Il me demande quels sont les morts dont je rêve, je lui dis: ma mère, ma tante............ en moyenne une fois par semaine. Il demande de détailler, je raconte pour ma mère; c'était au cimetière, on la déterrait pour l'enterrer ailleurs. Je ne voulais pas voir.
    Pour ma tante, on voulait la réduire pour la mettre dans le cercueil et je criais que je ne voulais pas savoir, ni voir. Il y avait l'odeur de mort aussi. Il trouve que cela fait penser à un film d'horreur, je dis que je n'arrive pas justement à regarder les films d'horreur. Il ajoute que dans mes cauchemars c'est comme si j'étais à l'intérieur d'un film, et que je fermais les yeux pour ne pas voir. Il veut savoir si je rêve toujours de ma mère et de ma tante, non d'une cousine âgée aussi à laquelle j'étais très attachée. Il demande si j'ai de la rancœur et de la colère envers ces gens là, envers ma mère et mon frère, oui, pas pour les autres. Il lui semble qu'il y a quelque chose de non résolu par rapport à la mort, et demande si ces personnes là étaient très liées à mon histoire. je précise que ma tante, non, par contre pour ma cousine qui habitait une maison mitoyenne à celle de mes parents, je pense maintenant qu'elle se doutait de ce qui se passait avec mon frère. Et puis, je n'accepte pas la mort des proches.
    Il dit que c'est bien ce que ces cauchemars veulent dire justement, et que je voudrais que les morts soient vivants ou pas complètement morts en tout cas, qu'ils soient dans la pièce à côté, mais pas trop présents. J'ajoute que sans doute, que je rêve souvent que ma mère revient aussi et que ma belle mère est là et que c'est très compliqué.
    Le psy conseille de retourner voir le prêtre. Je lui dis que pas longtemps avant en l'entendant parler d'amour, je me faisais la réflexion que j'aimais mon frère mais que je ne pouvais pas lui pardonner. Il trouve que c'est paradoxal et courant dans l'inceste, les enfants abusés par leur père, l'aiment aussi. Je dis que je déteste mon frère pour ce qu'il m'a fait, mais que d'y repenser encore, cela m'énerve, il précise que je ne peux pas oublier, c'est normal même si je n'en souffre plus, et que l'on peut éprouver les deux sentiments, amour et haine.
    J'ajoute que je fais souvent des cauchemars de bébés que je fais tomber aussi, et que je me réveille quand ils tombent.
     
    A la séance précédente, il m'avait demandé ce qui changeait dans ma relation aux autres, je précise qu'avec mon père et ma belle mère, il n'y a aucun changement, je ne les supporte pas, je les laisse parler en étant un peu en retrait. Il trouve que c'est très bien. Avec mes amies, je parle moins aussi, mais je ne me sens pas à égalité, je me sens nulle, moche............
    Alors il dit que l'on va maintenant travailler sur l'affirmation de soi, et il demande que j'aille au cimetière, dire à mes proches mon évolution et mes progrès depuis un an, et leur dire de me fichent la paix, car je ne leur ai pas dit.
    Et puis il ajoute que quand je fais des cauchemars d'horreur c'est comme si je maintenais une certaine "excitation", ce n'est pas le mot juste, mais une façon d'entretenir la douleur dans les cauchemars ( un peu dur à entendre cela ) Il me faudrait acquérir de la confiance en moi.
    Je dis que cette semaine là justement j'ai un peu plus d'estime de moi avec la seconde jeune que j'accueille. Il trouve que cela doit être lourd et que c'est bien, mais qu'il faudrait trouver du plaisir à me rendre heureuse moi au lieu de rendre heureux les autres et de faire des choses pour moi au lieu de les faire pour les autres. Je précise que je fais du yoga et prends des cours d'anglais. Il dit que c'est bien mais pas suffisant ( raaaaaa il est ch.... ) il faudrait plus travailler l'expression, faire sortir les émotions, comme le théâtre, j'y réfléchirai.
    A la fin il redit d'aller dans les cimetières, je lui réponds que je prends des vacances avant, on verra ensuite, il insiste en me disant que cela me fera du bien.
    Puis il me félicite en disant qu'il est content de l'évolution et et de ma réflexion.
     
    C'était une bonne séance dans le sens ou je me suis sentie bien ensuite, et c'est vrai que moi aussi, je me sens avancer.
     
    Cela ne m'a pas empêchée la nuit suivante de faire un nouveau cauchemar, mais cette fois c'était la mère d'une collègue qui était morte, elle me racontait cette mort cependant.
    C'est peut être un peu plus à distance.

     


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    A cette période, je suis dans un état de fragilité et de sensibilité extrême. Une ancienne collègue perd sa mère, je vais avec les autres à la sépulture, je suis souvent en larmes, des paroles, des phrases entendues font écho en moi. Je pense à tous mes disparus,
     
    Cela ne m'empêche pas de m'investir dans mon travail, je rappelle que j'accueille une jeune de 12 ans qui a un retard intellectuel important, ne sachant ni lire, ni écrire, elle a aussi des troubles du comportement. Elle va dans un IME dans la journée et rentre à la maison en taxi en soirée.
    L'assistante sociale de l'institut ou je travaillais avant me demande si je ne veux pas étendre mon agrément afin d'accueillir une jeune de 18 ans pendant les vacances scolaires de février, j'accepte. Je connais cette jeune, elle est non voyante, avec handicap associé, s'exprime que difficilement, n'est pas autonome. je l'ai à temps plein pendant une semaine, et chose étrange, malgré ma fatigue j'ai plaisir à m'occuper d'elle, c'est assez gratifiant, elle s'attache à moi, la séparation est difficile.
    Je me demande aujourd'hui en 2011, comment j'ai pu faire pour tenir le coup à cette période, j'étais dans un état physique et psychologique déplorables, j'avais beaucoup d'obligations ménagères, mes deux plus jeunes enfants étaient encore présents à la maison, ma fille de 16 ans avait  besoin que je la conduise partout. Mon mari était aidant et soutenant, mais il travaillait. Je crois que ce qui me faisait du bien dans mon investissement professionnel, c'est de donner du bonheur à un enfant, c'était en quelque sorte, réparer le passé.
     
    Je me souviens d'une belle sœur qui passait régulièrement me voir et ne comprenait pas que je puisse aller mal. Ce jour là je lui ai dit que j'allais bien, c'est ce qu'elle attendait depuis si longtemps, eh bien elle était tout d'un coup très proche et compréhensive.
     
    Je fais encore des cauchemars de morts et de cimetières, les nuits ne sont pas reposantes.

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    Les lendemains de séance, sont souvent très difficiles et pourtant j'avance, mais ce lendemain là justement, j'étais dans un état d'angoisse à la limite du supportable. Il fallait que j'en parle à quelqu'un, c'est encore mon amie M. qui était présente au téléphone. Elle me rassure énormément, je raccroche épuisée et triste, mais l'angoisse a disparu.
    La nuit suivante je fais un horrible cauchemar de mort, je vais le raconter ici:
     
    "Ma tante, sœur de ma mère décédée 2 ans avant en réalité, venait de mourir, elle était religieuse, mes parents avaient été appelés par la communauté pour prendre une décision. J'étais allée avec eux, on était obligés de maquiller le visage de ma tante morte, en permanence car il se dégradait, et je ne voulais pas savoir ce qu'ils allaient faire ensuite, je criais que je ne voulais pas savoir. Ils étaient dans la chambre mortuaire, j'étais dans une pièce à côté avec mes enfants, il y avait une odeur de mort partout. Une religieuse avait parlé près de nous et disait qu'il fallait diminuer le corps pour la mettre dans son cercueil, c'était affreux. Je me réveillais, buvais un peu d'eau et repartais dans mon cauchemar."
     
    Le lendemain nous avions nos parents de chaque côté pour fêter l'anniversaire de notre fille. je n'étais pas vraiment en forme pour préparer tout cela. Et puis ensuite, supporter les réflexions plus ou moins désagréables des parents relevaient du gros effort pour moi.
     
    Quelques jours après, j'appelle l'association, j'ai besoin de reparler de ma séance de psy, on me dit que le psy veut que je me prenne en charge, que j'ai été portée pendant toute une période, que c'est à moi de décider de la suite. Et puis, sans doute que le psy préfère que je parle plus  maintenant plutôt que d'écrire sur mon cahier et de lui donner à lire. Et puis on dit que ce psy veut me bousculer, que son humour, est habituel. Et que si j'ai besoin de travailler sur ma mère, bien sur que je peux le faire chez lui. On me dit aussi qu'il ne m'abandonnera pas, que ce sentiment d'abandon vient de mon histoire. En tout cas cet échange m'a fait vraiment du bien, même si je sais beaucoup de choses qui ont été dites, j'ai besoin de les entendre encore et encore.
     
    Peu après, je revois mon médecin homéopathe qui va dans le même sens. Il dit lui, que si le psy a changé de comportement, c'est que j'ai grandi en thérapie. Il ajoute que l'angoisse de fond de la majorité des gens, c'est de ne pas être aimé et de n'intéresser personne. Il trouve que je suis très exigeante avec moi même, que l'on ne peut pas toujours être au top, il faut l'accepter. Accepter d'avoir besoin de repos, c'est par cycle, comme les saisons. Il me dit de m'occuper beaucoup de moi, que j'en ai besoin. Il pense que ce sera important de travailler sur ma mère, qu'il y a surement à faire là dessus. Il dit aussi que tous les enfants se culpabilisent de ne pas rendre leurs parents heureux, que j'ai sans doute beaucoup de culpabilité par rapport à ma mère que je n'ai jamais connue bien. Il pense que c'est très bien d'avoir parlé aux enfants. Puis il me félicite en disant que je suis sur le bon chemin.
     
    J'essaie en tout cas de mettre en pratique toutes ces consignes, surtout en prenant plus de temps pour me faire du bien, pas toujours facile avec travail et enfants.

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