•  Juin 1998

    Ma fille va chez une pédopsychiatre depuis un an à contre cœur pour me  faire plaisir, mais après avoir lu mon journal intime elle a pris beaucoup de poids et ses résultats scolaires ont beaucoup baissé, je rencontre cette pédopsychiatre pour faire le point au bout d'un an, elle me dit que ma fille m’avait servi d’anti-antidépresseur après la mort de ma mère, mais elle n’a pas comblé le vide immense laissé par celle-ci. Je me suis autorisée à déprimer quand ma fille a eu 6 ans et a eu moins besoin de moi, et ça s’est aggravé quand elle a eu 10 ans et a été autonome.

    Et moi !!!                                         

    Régulièrement ma psychiatre fait un essai d’arrêt d’anti-dépresseur, je ne suis pas bien : décharges électriques et intérêt pour rien, je prends seulement un anxiolitique, puis reprise d’un neuroleptique en décembre 98, j’ai quand même tenu 6 mois.

    Août 98

    Dernière séance avant les vacances,  je suis très mal ensuite je ressens de la frustration car elle n’avait aucune réponse, mais aussi de la dépendance.

    - Chose difficile à entendre ; quel avantage vous avez à vous retrouver mal ?
    Après réflexion intérieure de ma part : elle parle plus quand je suis mal ( mais par la suite ça ne se révèle pas vrai à tous les coups)

    J’ai besoin que l’on me prenne en charge mais ce n’est pas avec elle que j’éprouverai ça.

    Septembre 98

    2 ans que je viens chez cette psychiatre et seulement 2 fois que j’ai évoqué l’inceste.

    Octobre 1998, en focusing

    C’est le grand déballage, je parle de mes problèmes physiques, migraines et douleurs variées, et de mes insomnies, de ma dépression.

    Je dis que je me sens plus proche de la mort que de la vie, sans mes enfants, ma vie n’aurait pas d’intérêt.

    Avec l’aide de la thérapeute, je prends conscience que j’ai besoin d’air, que quelque chose dans mon histoire m’a coupée la respiration, c’est ce qu’il faut trouver.

    A l’époque je ne voyais que l’inceste avec mon frère, j’étais encore très loin de réaliser ce que m’avait fait subir ma mère !!! Que de chemin parcouru, il aura fallu encore 7 ans pour en prendre conscience.

    Les journées de désespoir se suivent en cette fin d’année, j’essaie d’accorder des temps d’échange avec chacun des enfants, mais en prenant beaucoup de mon énergie et je profite d’une pause seule dans mon lit après le repas de midi pour évacuer dans les larmes, c’est très dur !!

    J’ai de gros coups de blues qui se transforment en angoisse quand je reçois des invités.

     Octobre 98

    C’est trop difficile chez la psychiatre, après le décès d'une tante je laisse aller mes émotions, elle ne dit pas un mot, les séances suivantes je suis tellement épuisée, je n’ai plus la force de « travailler » je veux arrêter, elle n’est pas d’accord.

    Prise de conscience, la somatisation me fait penser qu’il n’y a pas de frontière entre douleur et plaisir.

    Psychiatre en 1998

    Je lui dis que je ne supporte pas ses silences, que c’est trop difficile et tout en fin de séance je dis que je ne sais pas si je reviendrai !!!

    Elle me répond : nous avons RV le 5  (15 jours plus tard)

    Même si je ne repars pas très bien, au moins j’ai réussi à lui dire ce que je pensais, une grande première pour moi !!!


    2 commentaires
  • Janvier 98

    2 ans de thérapie, je commence, enfin c’est la 2ème fois seulement que je parle d’inceste, je fais le lien entre mon mal être et le traumatisme au cours d’une séance seulement.

    Chez ma psy :

    Il vaudrait peut-être mieux oublier, je l’ai fait depuis 30 ans et ça n’allait pas plus mal !!!

    La psy :
    - Non il ne faut pas oublier, il faut s’autoriser à se souvenir pour ne pas transformer cette douleur en autre chose

     C’est dur, c’est si dur

    - Je comprends

    Si mon frère avait vécu j’aurais pu lui dire ma colère, ma révolte, mais là, non, ça m’aurait peut-être aidée, il m’a gâché une partie de ma vie. Pourquoi c’est encore si présent dans ma tête ?

    - C’est plutôt de bonne augure si c’est présent, c’est pour faire le travail, avancer, pour ne pas transformer en d’autres maux.

     

    Je reparle de ma culpabilité, mais ce n’est pourtant pas de ma faute, je ne savais pas ce qui m’arrivait.
    (aucune réassurance sur la culpabilité)

    Février 1998, mon anniversaire
     

    Mon mari va chez mon père et lui dit que c’est mon anniversaire, celui-ci me téléphone le soir en me disant: je ne sais jamais la date je me rappelle de celui de ton frère et de sa femme (le même jour que moi) mais pas du tien, je ne sais plus quand tu es née.                                  
    (Mais ai-je existé, moi ?)

    Mars 1998


    Dans le même temps j’essaie et démarre une autre méthode basée plus sur le corps: le focusing. Cette méthode qui est difficile à expliquer comporte aussi un temps de parole, cela me permet de mieux supporter ma thérapie analytique. Les propos de la psychiatre me font trop mal:

    "Travail sur la douleur et résistance aux changements":

    -On trouve un certain confort dans la douleur, c’est comme un cocon qui vous enveloppe, c’est une sécurité !!!

    -C’est difficile de quitter un état connu quand on est habituée.

    -Tout lâcher: c’est peut-être lâcher et quitter la souffrance, l’enfance, le passé, le  vécu.-Etre seule avec sa douleur, pour mieux l’entretenir, la cultiver: "mimétisme maternel"


    Aujourd'hui je peux le comprendre mais à l'époque cela m'a fait beaucoup de mal!!!


    2 commentaires
  • Septembre 1996

    Je commence cette nouvelle thérapie . Cela me parait plus facile, au premier entretien la psy pose des questions, elle parle beaucoup plus. Je lui raconte tout de suite mon enfance et ce que j’ai découvert quelques mois auparavant.

    De semaine en semaine, les mots se disent, mais pas ceux qui me feront évacuer la douleur de l’inceste subi par mon frère. Je parle beaucoup de mon travail, de mon futur départ de l’institut, de mes enfants et de leurs difficultés, C’est tellement plus facile de parler des autres !!!

    Décembre 1996:
    Je quitte l’institut, très fatiguée physiquement, et j’apprécie de me consacrer à ma maison et à mon travail de famille d’accueil. 

    1997

    Je pleure souvent en séance, la psy parle de moins en moins, et c’est difficile.

    Pendant toute cette période je peux compter sur une amie à qui j’avais fait comprendre à demi mots ce que j’avais découvert, dès mon retour de cure. Elle me sera d’un grand soutien, et quand je vais très mal je lui téléphone, elle console, écoute, comprend avec beaucoup d’empathie et d’amitié.

    Dès que je vais un peu mieux, la psy diminue mon traitement, ce qui m’amène fatalement à une rechute quelques semaines après. Je retombe plus bas, plus mal, elle redonne des médicaments c’est un cercle vicieux.

    Novembre 1997

    Il faut que je reparle en thérapie de la mort de maman et aussi de mon frère, de son accident, de sa mort mais aussi du trauma, je pense qu’il y a là quelque chose qui me gêne comme une culpabilité car je ne sais pas trop ce que j'ai éprouvé au moment des faits et je me demande si l'hypnose ne m'aiderait pas, le médecin de cure en avait parlé, je pense que ce fait là m'empêche de prendre du plaisir, et les petits plaisirs de tous les jours, c'est ça mon problème, ne pas apprécier  chaque chose de la vie et ne pas éprouver de plaisir à les faire.

    Je prends conscience des choses que maman disait. Puis, après avoir parlé de l’enfance de mon frère, je parle de son adolescence, de la période ou il est devenu obèse jusqu’à 26 ans et après un régime, il a perdu 33 Kg qu’il n’a jamais repris. Et si c’était le choc du trauma qui lui avait fait prendre ce poids ? Je ressens une culpabilité par rapport au viol car je ne sais pas ce que j’ai ressenti et je voudrais savoir, et pourquoi j’étais dans cet endroit là avec lui ? pourquoi je ne me suis pas sauvée ? J’ai l’impression qu’il y a là quelque chose qui m’empêche d’être bien, je pleure depuis que je parle de ça.

    Pourquoi j’ai été si longtemps sans me souvenir ? Pas un mot de la psy, dur, dur.


    3 commentaires
  • Cette année là :

    En rentrant de cette cure de 1996, je me sens complètement délabrée. J’ai seulement une semaine d’arrêt de travail et c’est difficile de retrouver mon poste à mi temps pourtant, mais s’occuper des autres ( les enfants et jeunes) n’est pas évident quand on va mal.

    Je reprends ma thérapie en révélant à mon psychiatre ce que je viens de découvrir, il me dit :
    - Eh bien, nous allons travailler là-dessus maintenant.

    Je comptais sur son aide bien sur, mais très vite je me rends compte que je suis seule pour faire le travail, peu, pour ne pas dire pas du tout de paroles de sa part. Ce travail est trop difficile pour moi, je lui dis, il me répond :
    - Ce n’est pas compliqué, je vous demande de me dire ce qui vous passe par la tête pendant les séances.

    Eh bien si, pour moi c’est très compliqué, cet homme me refroidit et pendant toutes les séances je pense : mais de quoi je vais parler ? ou de quoi j’évite de parler ? (Trop douloureux)

    Bien sur que parler de l’inceste est encore beaucoup trop douloureux, je n’étais pas prête et quand je lui dis : Il faudrait bien que je parle du passé, il me répond sur un ton désagréable :
    - Ah moi je ne vous demande rien !!! 

    Là je me suis rendue compte que je n’arriverais pas à faire un travail avec lui. J’arrivais en séance avec une angoisse indescriptible et je repartais dans le même état en n’ayant pas libéré mes émotions.

    En parallèle, les démarches pour obtenir l’agrément de famille d’accueil ont été couronnées de succès, et j’ai pu donner mon préavis de 6 mois pour cesser mon travail à l’institut, et prendre ma demi retraite de la fonction publique.

    Dès le mois de juin, j’ai accueilli un enfant de 12 ans handicapé, c’était encourageant de savoir que je pourrai travailler de la maison et j’ai pu annoncer à mon psychiatre que les choses allaient changer et que tout irait mieux, j’en ai eu le courage et  de ce fait je mettais fin à ma thérapie (5mois ½, c’est relativement court !!!)

    Il ne parait pas du tout persuadé que le moment d’arrêter est venu, mais me laisse libre, ne faisant aucun commentaire, il me dit seulement :
    - Prenez soin de vous et respectez votre rythme

    (Avec l’expérience que j’ai maintenant je trouve vraiment que c’était léger et pas très professionnel)

    Dans le même temps, j’ai pu diminuer nettement mon traitement. L’été se passe bien. Quelques jours de vacances sans les enfants me permettent de réfléchir et de faire le point, je pense que je vais reprendre une thérapie, c’est encore trop présent ce traumatisme, je ne l’ai pas assez élaborée. Et en rentrant je prends un rendez vous avec la psychiatre qui ne prenait pas de nouveaux patients 6 mois auparavant, là c'est possible. Je suis restée sur une mauvaise première expérience de thérapie, mais il faut bien voir les choses en face, je ne m’en sortirai pas seule.

    La rentrée de Septembre est plus difficile, nous sommes 6 à la maison, dont J. avec son handicap qui me demande disponibilité et énergie. Je prends patience car il me reste 3 mois de travail à l’extérieur. Il me faut attendre fin Septembre pour le premier RV chez cette psychiatre


    3 commentaires
  • Quelques souvenirs de mon enfance:

    Mon adolescence a été compliquée: à 14 ans je suis entrée en internat, les crises d'angoisse étaient très présentes et une hyper émotivité remarquée par les professeurs et l'infirmière du lycée. Pourtant je fuyais l'infirmerie, en particulier les visites médicales, l'idée de voir un médecin inconnu me faisait très peur.
    Notre généraliste lui, m'avait donné du séresta en me disant : cela te rendra plus sereine.

    Mais revenons à cette cure thermale de 1996:

    Au bout d'une semaine de cure, je craque, j'en fait part au médecin qui me dit que c'est normal, je suis prête à passer de l'autre côté, dans le monde des vivants, il est temps de lâcher. Comment ? En écoutant le médecin.
    "Il ne faut pas avoir peur de la maladie des nerfs. Quand on a du diabète, on prend des médicaments à vie pour l'équilibrer, là c'est pareil.
    A la 2ème consultation; il faut changer, vous y êtes presque, vous n'allez pas faire comme les gens qui viennent depuis 15 ans, je ne suis pas comme mes confrères qui aiment que les clients reviennent, je veux que vous guérissiez pour ne plus avoir besoin de venir".

    Après avoir pris conscience de ce souvenir, une nuit agitée et les soins le lendemain, je vois le médecin au moment de la douche et je réussis à lui dire que j'ai commencé à écrire et que des choses sont remontées. Il m'a répondu : nous en parlerons à la prochaine consultation la semaine prochaine.
    OK, mais c'est très présent dans ma tête et pendant les trois jours qui ont suivi, j'ai senti l'angoisse augmenter, les insomnies sont devenues insupportables !!!
    A la fin de ma première semaine de cure, mon mari et mes deux plus jeunes enfants ( 11 et 16 ans )
    comme par hasard les âges de mon frère et moi au moment du viol !!! me rejoignent pour deux semaines de vacances, je vais mal, je ne peux pas parler, j'ai beaucoup de mal à supporter leur présence, je pleure dès que le ton monte.
    Deux jours passent, le 3ème soir, un moment d'intimité avec mon mari et là je craque je réussis à lui dire dans les larmes mon terrible secret. C'est l'étonnement d'abord pour lui, puis la révolte contre mon frère ( ce dernier est décédé depuis 15 ans accidentellement ). Puis mon mari m'avoue qu'il a toujours trouvé que mon frère n'était pas à l'aise avec lui, son comportement lui paraissait bizarre. Il comprend mieux, moi je n'avais rien remarqué.
    Les premières paroles de mon mari ont été : - Je ne t'en veux pas tu sais !!!
    ( heureusement encore !!! ) cela me fait sourire aujourd'hui.

    Mais ceci dit, il a été d'une compréhension, d'une écoute, d'une aide remarquable, tout de suite il m'a dit : Il faut revoir le médecin et lui en parler.

    A la douche le lendemain, je fais part au médecin de ma souffrance due à la remontée de souvenirs que je ne peux plus garder pour moi. Je lui dit que nous avons passé une bonne partie de la nuit à discuter. Il me propose un RV pour l'après midi, je lui demande si mon mari pourra m'accompagner, il répond:
    - S'il peut nous aider, bien sur .!!!

    La consultation à venir m'angoisse pendant les heures précédentes, il faut bien dire qu'il sera le premier professionnel à recueillir ma parole et la deuxième personne seulement, heureusement les enfants sont présents et bien symphas ne posant aucune question, alors que cela saute aux yeux que je vais très mal.

    Nous allons donc tous les deux à ce rendez vous. J'ai beaucoup de mal à démarrer, mon mari est prêt à parler, le psy lui dit que c'est à moi de sortir les mots, que c'est important. Dans les larmes j'arrive à prononcer les paroles qui sont liées à ce que ma mémoire vient de me révéler, et là je suis surprise, le médecin dit:
    - Je me doutais d'une chose pareille !!!
    Il pose quelques questions, conseille sur le travail à faire en thérapie en rentrant, augmente mon traitement car là je ne gère plus les angoisses.
    -C'est une névrose, il y a un gros travail à faire en thérapie. Il faudrait retrouver les évènements qui sont liés à ce fait.
    Je parle de la culpabilité depuis la mort de mon frère, alors que les abus n'étaient pas conscients pourtant, et surtout depuis que je suis dépressive.
    Puis l'aggravation a été là quand mon fils ainé a eu 15 ans, mon second fils avait 15 ans aussi quand j'ai été hospitalisée.
    Le médecin dit que c'est une urgence de me libérer maintenant, surtout pour ma fille de 11 ans.Faire attention à son poids aussi car elle a déjà pas mal d'embonpoint.
    Il conseille de dire les choses aux enfants, on peut dire que c'est arrivé à quelqu'un d'autre, pour les mettre en garde contre de tels évènements, pour ne pas reproduire.
    Pour les angoisses à la tombée de la nuit, qui se manifestent par des douleurs au niveau de la gorge et de l'estomac, il y a un gros travail à faire, essayez de respirer profondément en allongeant l'expir. C'est important de faire travailler son corps.

    La cure se poursuit avec son effet apaisant. Heureusement que je ne suis plus seule, je peux parler avec mon mari de tout ce que j'ai dans la tête. Et puis je commence ce jour de février 1996 à acheter un journal qui ferme à clé avec un petit cadenas, et je démarre ces années d'écriture qui se sont terminées en ( Aout 2007 )

    A la dernière consultation en fin de cure, j'écoute ses conseils: Il faut continuer la thérapie, travailler point par point avec mon psy de N.
    Il me rassure sur la culpabilité, parle des relations avec ma mère qui auraient été différentes si elle avait su!!
    Il n'aurait pas fallu garder ce secret si longtemps, cela a provoqué une grande souffrance, maintenant il faut cicatriser. avec l'aide de votre mari.

    Eh bien, quelle cure !!! si je m'attendais à tout cela!


    votre commentaire