•  Juillet  1999


    Pendant une séance de fasciathérapie, j'ai craqué, ma kiné me conseille un acupuncteur, je prends un RV en rentrant et je téléphone à ma psychiatre qui me propose un RV deux jours plus tard, je refuse, par contre elle conseille de reprendre le neuroleptique, ce que je fais. J'avais réussi à arrêter pendant deux semaines, je suis profondément déçue, je le vis comme un échec mais je me sens trop fragile en ce moment et les angoisses me submergent, je ne veux pas prendre le risque de replonger aussi bas, surtout pendant l'été ou ma maison se remplit.

    Et puis le désir de non-vie est toujours là, présent en permanence.
    En m'endormant, parfois dans un état de semi conscience, je souhaite ne pas me réveiller, le rythme de mon cœur se ralentit, j'aimerais qu'il s'arrête.

    Juillet, j'ai pris un RV à sos-inceste, histoire de faire un peu le bilan: cela va mieux sous neuroleptique, je mesure le chemin parcouru, les étapes franchies  toutes plus difficiles les unes que les autres. On me dit qu'il fallait les traverser, passer par là et qu'il y aura sans doute encore des vagues, mais que je saurai que je peux remonter puisque je l'ai déjà fait.
    Je remercie les bénévoles et leur dit que c'est grâce à elles si j'en suis là, on me dit que non, c'est grâce à moi. Je réponds peut-être, mais avec votre aide et votre soutien.
    Oui mais c'est moi qui ai fait le travail, D. me dit que c'est impressionnant le chemin que j'ai fait depuis le premier appel téléphonique. Eh oui, 5 mois seulement !!!

    Je suis malgré tout capable maintenant d'apprécier les bons moments: un week end en couple sur la côte. J'étais bien, presque heureuse.

    Par contre je me sens abandonnée par tous mes piliers pendant ce mois
    d'août : psychiatre, amies, asso!!!

    C'est plus difficile encore cette année car le travail en thérapie est allé plus loin dans les prises de conscience de mes souvenirs d'enfance les mois précédents. Et je pleure encore sur les séparations d'avec mon frère et ma mère.
    Je prends conscience en séance que je n'ai toujours pas fait le deuil de ma mère, 14 ans après son décès.
    Elle est décédée en Juillet et tous les ans à la même époque, je replonge. Le manque et la séparation sont encore très présents. Je dis que c'est un manque physique, j'aurais voulu pleurer dans ses bras, j'aurais aimé qu'elle sache ce dont j'ai pu souffrir. Je vais au cimetière lui mettre les plus belles fleurs de mon jardin.


    A la maison, problèmes habituels avec les enfants ados, amplifiés par mon état dépressif. Je contiens ma colère, puis j'éclate et pleure, et contiens de nouveau. Le climat est horrible pendant ces vacances.
    Encore une fois, avant son départ en vacances, j'appelle mon  amie M., je suis en larmes, cela fait partir la vapeur et elle me conseille sur l'attitude à avoir avec ma fille.
    Je prends aussi avis près de ma thérapeute en focusing qui me conseille de parler avec ma fille. J'écris toujours beaucoup pour décharger mes ressentis et ce soir là je note:
    Journée de douleur et de désespoir, qu'elle a été longue!!!

    Un  jour j'arrive à échanger avec ma fille, un autre, je passe un après midi en ville avec mon fils de 19 ans, nous discutons beaucoup de mes problèmes, de ce que je fais pour aller mieux, je sais que je le charge de choses qu'un jeune préférerait ne pas avoir à entendre, mais c'est ma vie, ma souffrance, les choses sont dites maintenant en famille.
    Et j'essaie toujours à la fin d'échanges très forts comme cela de le rassurer pour l'avenir même si moi je ne peux pas me projeter. Je ne parle jamais de mes idées noires par exemple à personne, sauf à l'asso et un peu aux psys.

    Je suis dans une période de fragilité,  les enfants le savent et tirent sur la corde pour que j'émette des refus, pour me tester sur m ?

    Et je travaille encore tout ce mois de Juillet  avec l'ado handicapé que nous accueillons. Je n'ai plus de forces, je vais chercher dans des réserves très profondes pour paraître bien avec lui.
    Quand il part, c'est définitif, l'émotion est là pour tout le monde, et pour moi c'est une nouvelle séparation !!!

    Après son départ, je m'écroule  dans tous les sens du terme, mon corps me dit: STOP, je suis alitée une semaine pour une thrombose hémorroïdaire incisée sous anesthésie locale.

    Tout est compliqué ensuite, la gestion de la douleur, la fatigue.................

    Ma fille revient d'Angleterre avec sa correspondante, ses parents et son frère, pendant 4-5 jours, cela prend des proportions insupportables au niveau surmenage.
    Même les sorties avec eux me sont pénibles. J'ai la migraine en permanence, des vertiges, mes nuits sont très perturbées.

    Après leur départ, une séance chez ma psychothérapeute me fait prendre conscience que je suis allée au delà de mes limites.
    Je me suis "autorisée" à m'arrêter que "grâce" à un problème médical (thrombose), sinon je ne me le permets pas.
    C'est probablement une peur du vide si j'arrêtais mes activités. Et puis autrefois chez mes parents, je n'avais pas le droit de rester à ne rien faire, ma mère ne le supportait pas !!!!
    Voilà comment on a pu nous conditionner !!!!





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  • Le 3 Juin  1999 terrible anniversaire



     Comme tous les ans depuis 18 ans, triste journée plutôt noire, anniversaire de la mort de mon frère. Je suis toujours dans une immense tristesse, même avec la conscience des dégâts qui résultent des abus, est ce possible?

    Ce mois de Juin
     C'est encore une période d'angoisse, j'appelle l'asso, on me demande depuis combien de temps je suis en thérapie , je réponds 3ans 1/2, on me dit: tu as moitié fait. Mais non!!! je pense: elle est folle, pas 7 ans quand même, pas moi !!!!
     Et puis je parle de mes thérapeutes, on me dit que deux en même temps ce n'est pas conciliable, mais moi je ne supporte plus la thérapie avec la psychiatre si je n'ai  pas le soutien de la psychothérapeute !!! alors je pense que je n'ai pas vraiment le choix, c'est celui qui me convient le mieux en tout cas.
     On  me dit aussi qu'il y a une fin à la souffrance, j'ai tellement besoin de l'entendre pour le croire certains jours.
     Cela fait tellement de bien cette écoute avec des réponses appropriées par quelqu'un qui connaît cette souffrance de l'intérieur.

    Des souvenirs remontent toujours. Je suis au cinéma et le film me rappelle que quand j'étais enfant, j'étais le souffre douleur de mon frère et d'une voisine de son âge, ils s'amusaient à me faire peur, à se cacher pour cela. Encore ça à rajouter à mon enfance difficile.
    Et encore, mon frère était très nerveux, il avait des tics, ce que l'on peut appeler maintenant des TOCS. IL avait aussi un problème d'identité, car il s'habillait souvent en fille avec des vêtements de ma mère. Ma mère disait toujours qu'elle préférait les filles!!!
     

    Toute cette période m'a apportée beaucoup de somatisation: douleurs de dos, crises d'hémorroïdes répétées, douleurs de ventre.
    Ma fille va mal aussi, et cela m'angoisse, elle est mon miroir. Elle s'angoisse pour ses résultats scolaires qui sont en baisse. Elle prend du poids, malgré un suivi chez une nutritionniste.

    En ce qui concerne le travail sur ma mère que j'ai commencé à aborder, il ne se fera pas à ce moment là ? pourquoi ? la psychiatre ne m'y a pas aidée, elle trouvait toujours des excuses pour ma mère, ok, je peux l'entendre, mais son passé ne peut excuser les souffrances qu'elle m'a infligées. Cette attitude de la psy m'a apporté beaucoup de confusion, toutes ces paroles que j'ai pu dire sur ma mère me faisaient très mal, j'avais l'impression d'être une mauvaise fille et de la trahir, j'éprouvais beaucoup de culpabilité. Je pense qu'à ce moment là je n'en avais pas encore fait le deuil, j'étais bien incapable de lui en vouloir à cette période. Je crois maintenant que je n'ai pas été entendue sur ma petite enfance avec ma mère, ou alors moi je n'étais pas prête à aborder
    l'impensable, ce qui a fait que j'ai occulté ces faits là pendant plus de 5 ans encore, il aura fallu le dernier psychiatre consulté fin 2004 pour réussi à y venir et pas dès le début de la thérapie!!!
    En focusing, je l'ai abordé, mais très peu, de loin, par peur je pense!!!

     Juin 1999

    Groupe de parole ou il est question de sexualité, je me rends compte que je suis complètement coincée de ce côté là, pour en entendre parler et pour le vivre aussi.
    De plus, le jeune ado handicapé que j'accueille à la maison a des problèmes, il a des pulsions dirigées vers moi, c'est très difficile à vivre, je parle de tout cela avec ma psychothérapeute, c'est pratiquement la première fois que j'aborde le sujet de la sexualité. J'avais essayé une fois avec ma psychiatre, mais elle semblait gênée, ne parlait pas, c'est beaucoup trop difficile pour moi si je ne suis pas aidée.
    Alors je viens de faire encore un pas difficile en l'évoquant en séance de focusing.
     Le soir de cette séance, je me sens légère, légère, et j'ai une autre bonne nouvelle, ce jeune change de centre à la rentrée, c'est un soulagement par rapport au problème évoqué plus haut.
    Et du coup je me sens mieux ensuite, je réussis à espacer mes séances chez ma psychiatre à une fois par mois, cela me permet de respirer un peu. Par contre son absence d'août pour les vacances me donne beaucoup d'émotion et d'angoisse, je sais que c'est l'angoisse de séparation, trois années de traversée avec elle, ce n'est pas rien. Bon elle trouve que je gère mieux les allers-retours, mouais je veux bien si elle le dit !!!!

    Je navigue quand même entre migraines et états d'épuisement, le débordement à la maison avec tous ses habitants pendant les vacances est pénible, j'aurais besoin de moments à moi pour me retrouver, me reposer, prendre soin de moi.

    Mon fils aîné est rentré pour quelques jours pour ses examens, son départ de nouveau pour 6 mois cette fois, me laisse dans une grande angoisse, une grande tristesse, à la limite de la déprime.
    Et puis je suis toujours en manque de temps pour moi, l'impression que l'on me bouffe mon temps, je n'ai plus rien pour moi. J'ai un énorme besoin de tranquillité, de solitude.
    Les débuts d'après midi, je les consacre au repos pourtant, mais je me sens retomber dans la dépression d'épuisement comme quand je travaillais à l'extérieur, et cela me fait peur de retomber aussi bas.
    Quand on a connu cet état et que l'on a connu mieux, au moindre retour en arrière, on se sent perdu.







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  • Thérapie et dépendance


    Pas facile cette dépendance que l'on ressent par rapport à certains psys..........

    Elle était très forte pour moi avec ma psychiatre et en ce mois de Mai 1999, j'ai réussi après maints efforts à lui dire que je voulais arrêter. Elle se met à rire et me dit: Cela ne fait pas longtemps que vous allez mieux (non c'est vrai, 6 jours)
    Je réponds à cela que ce n'est pas parce que je me sens mieux, mais plutôt parce que j'étais très mal après les dernières séances. Bon elle me fait prendre conscience de par ou je suis repassée, et qu'il ne faut pas aller trop vite, et propose que l'on continue au rythme de tous les 15 jours jusqu'à l'été suivant.
    J'accepte bien sur, cela m'a rassurée dans un sens de pouvoir dire ce que je pensais et juste avec la larme à l'œil, sans être effondrée comme cela aurait pu être. Cette fois là je repars apaisée. Je me suis rendue compte aussi qu'elle a beaucoup plus parlé que d'habitude parce que j'étais plus positive et je suis moins angoissée de ce fait là.

    Mon moral est très fluctuant. Après un groupe de parole ou j'étais énervée et ai beaucoup parlé, presque euphorique, le lendemain je revois l'angoisse arriver et je laisse un message sur le répondeur de l'asso.

    Les contraintes des mercredis avec les activités des enfants et l'accueil du jeune handicapé me font descendre d'une marche chaque semaine, c'est un cercle vicieux: fatigue physique entrainant des angoisses.

    J'aimerais épargner les enfants, mais les échanges téléphoniques avec l'asso ou mes amies proches m'obligent à me renfermer dans ma chambre pour cela, c'est apaisant et libérateur, mais cela ne passe pas inaperçu.

    Ma psychiatre me fait remarqué que, comme ma mère, je suis dans le tout ou le rien, que je n'ai pas une image maternelle de quelqu'un qui était heureux, en bonne santé  et qui faisait face à son devoir de mère avec ses enfants. Et puis elle rajoute que j'ai de l'agressivité envers ma mère en m'identifiant à elle. Je suis capable de comprendre tout cela, mais de le changer !!! c'est une autre histoire.

    Je rencontre en RV la pédopsychiatre de ma fille, elle me conforte dans l'idée que j'ai eu raison de parler aux enfants, même si c'est difficile pour eux. Elle me rassure pour ma fille, elle la trouve pas si mal, seulement elle n'est pas à l'aise avec elle pour lui parler de ses ressentis.
    En tout cas cette rencontre aura servi entre autre à permettre à ma fille d'arrêter cette année de thérapie qui ne lui convenait pas du tout.






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  •  

    Ce foutu passé- mars – avril 99

     

    Le lendemain de cette journée d'angoisse, racontée plus haut, j'appelle ma psychiatre dès le matin, elle me remet sous neuroleptique en plus du reste du traitement et me demande de la rappeler trois jours plus tard. La reprise de ce médicament m'épuise, et tout est source d'angoisse.
    Le lendemain je devais aller présenter mon travail à la DDISS, vraiment cela me semble impossible, j'appelle une collègue pour qu'elle me remplace, prétextant une sciatique, eh oui on se débrouille comme on peut.
    J'annule différentes sorties, j'ai bien assez de tenir sans m'effondrer à la maison.
    Une note positive dans cette journée, une bénévole de sos-inceste m'appelle, c'est vrai que j'avais laissé un message d'angoisse pendant le weekend end précédent.
    On échange sur tout ce qui est difficile en ce moment, en particulier sur ma thérapie que je ne supporte plus, elle me suggère de peut être changer si cela ne va plus, mais de faire attention  que ce ne soit pas une résistance au changement, et puis surtout, surtout que ce n'est pas le moment de ne pas être prise en charge.

    Je suis assez contente de lui dire que j'avais franchi toutes les étapes que je m'étais fixées, mais que je suis encore très mal. Elle me dit que cela ne suffit pas à faire disparaitre la douleur, qu'il va falloir maintenant apprendre à vivre avec ce souvenir. Oui, je lui dit que je suis bien d'accord mais pas pour vivre en souffrant autant !!!

    Je remarque encore une fois que la parole, même au téléphone, soulage beaucoup mes angoisses.

    J'ai pris conscience d'une chose importante: Si je n'arrive pas à dire la souffrance de l'inceste chez ma psychiatre, c'est que je me sens sous son autorité, et je ressens du pouvoir sur moi de sa part.

    Si je réussis à approcher un peu plus de tout cela en focusing, c'est que la thérapeute est très humaine et très chaleureuse, proche même.

    En cette période c'est à la maison que je me sens le mieux, sans sortir, avec un besoin de me réfugier dans mon cocon, de m'isoler, sans sorties ni visites.

    Ma fille m'inquiète, je la trouve très irritable depuis que je lui ai raconté mon histoire. Elle voit toujours une pédopsychiatre, elle désire arrêter, je me permets d'appeler cette dernière qui me propose un entretien.

    Mon fils ainé me manque, la séparation est difficile, cela me renvoie à tellement de séparations douloureuses !!!

    Je crois vraiment, après ce que je viens de vivre ces dernières semaines que j'ai touché le fond, mais que je ne pourrai pas descendre plus bas, peut être que je vais enfin pouvoir commencer à aller vers plus de mieux. Cela fait trois ans que le psy de cure avait dit : il faudra que vous craquiez un jour, ce n'est pas votre tempérament, mais il le faudra bien.

    Ma psychiatre, elle, pense que je n'ai peut être pas touché le fond, mais qu'il fallait repasser par là et que je ne l'ai pas fait seulement oralement, corporellement aussi.


     Voilà un autre pan de cette période douloureuse.




     


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  • Mars 1999 :

     Mon mari vient donc en entretien avec moi à sos-inceste, j’éprouve une grande peur, peur de ce qui peut être dit devant lui, par exemple mes idées « noires » dont j’ai parlé à l’association !!! Je rappelle D. qui me rassure, elles le laisseront parler et ne livreront rien de ce que j’ai dit. Elles seront les tierces personnes pour nous permettre de communiquer.

    Le jour venu, un samedi matin, je suis hyper stressée, mon mari aussi, mais il s’avérera ensuite qu’il n’y avait pas de raison.

     Je pense que l’entretien a duré 2H avec D. et L., les deux bénévoles qui m’avaient reçue la première fois. Je les trouve géniales.

    Je n’ai presque pas à parler, mon mari à mon grand étonnement pose des questions, elles ont expliqué les mécanismes mis en place au moment du traumatisme et après, elles ont dit pourquoi j’allais mal, les efforts que je faisais pour m’en sortir, elles ont surtout beaucoup rassuré, et vraiment si je me sens vidée en partant, je suis soulagée de voir la réaction de mon mari.

     Après j’ai besoin d’une pause dans tout cela, dans toutes ces étapes franchies, tout ce que je m'étais donné à faire.

     Sauf qu’à côté je continue mes thérapies :

    - thérapie analytique, je parle toujours d’autre chose : épuisement, difficulté à supporter les enfants, à faire face à tout. Je parle un peu de l’inceste quand elle me tend des perches, sinon c’est trop difficile.

    - thérapie « focusing », je commence un peu à « évacuer » sur l’inceste, cela se fait dans une émotion et une douleur intense, parfois je pense que le mutisme serait plus facile à vivre.

     Je ressors de ces séances souvent avec des fourmillements partout, un début de crise de tétanie. Heureusement j’ai toujours dans ma voiture un sac en nylon pour respirer à l’intérieur afin de diminuer l’hyper oxygénation. Et puis quelques minutes de repos et de récupération me sont nécessaires avant de reprendre la route.

    J’aborde aussi mon enfance avec ma mère et ses difficultés, je prends conscience de la maltraitance physique et psychologique (c’est tout à ce moment là, pas l'ombre d'un soupçon sur ce qu'elle m'a fait vivre d'incestuel ) une mère défaillante, dépressive, maltraitante, un père absent, distant, froid ( pas de communication possible), un frère abuseur.

    Où était ma place dans cette famille ? je ne sais même pas si j'en avais une !!!

    Quelle douleur, quelle souffrance quand tout cela revient à ma conscience, moi qui pensais les années auparavant avoir eu une enfance heureuse. A cela se rajoutait le manque d’argent de mes parents, mais c’est un autre problème qui me semble bien infime aujourd’hui, et pourtant j’en ai souffert aussi comme de tout ce qui pouvait faire que ma mère allait mal.

    J'ai fait un gros oubli, je m'en rends compte en reprenant mes notes ce 13 Novembre 2007:

    Le 21-03-1999 (date mémorable)
    Le moral est au plus bas, je vais à la messe pensant trouver un peu de réconfort, mais non je ne peux retenir mes larmes. Alors je décide à ce moment là de parler aux enfants.
    Pendant le déjeuner, ma fille est chez une copine, je vais donc parler aux garçons, je préviens mon mari.
    En sortant la viande du four, sans le savoir, mon fils ainé me tend la perche.
    - Tu as l'air fatiguée "encore"
    & Oui, surtout dans ma tête et ça ne va pas.
    - Pourquoi, qu'y a-t-il?
    & J'ai des choses difficiles à dire (mon mari s'impatiente, il voit que ce sera très difficile pour moi et pour m'aider dit : c'est des choses très anciennes )
    Mon second fils : attends papa, maman tu nous diras séparément ( sa peur est visible)
    Mon mari : Non
    Moi : Attends un peu
    Mon second fils : Laisse maman parler, c'est à elle de dire
    Mon mari (avant que j'aie le temps de réagir) : C'est avec son frère, il a abusé d'elle quand elle était enfant.

    Voilà, c'est dit, pas par moi, mais je suis soulagée tout de même. Je pleure, mais parle et réponds aux questions de mon fils aîné qui sont nombreuses. Le second écoute, mais ne peut plus manger, ni parler, il part se réfugier dans sa chambre. Il met un CD avec un volume très élevé et pleure pendant ce temps.
    Nous continuons de discuter tous les trois, mon fils aîné se dit soulagé de savoir, il se demandait pourquoi je n'allais pas bien alors que je ne travaillais plus à l'extérieur. Il est quand même surpris, consterné, il pense à son oncle qui est mort, à son grand père qui ne sait rien.
    Après le repas, mon second fils vient dans le salon, je vais le retrouver et lui demande s'il  m'en veut  d'avoir parlé, non, il dit qu'il est soulagé, et il est sur qu'inconsciemment, ils savaient tous qu'il y avait quelque chose, il est rassuré.
    C'est beaucoup d'émotions pour tous, je n'ai pas retenu mes larmes, c'était impossible. Je vais me reposer, j'ai très froid, je suis sous le choc, le soulagement va venir j'espère, mais ce n'est pas immédiat. En tout cas c'est dur de réaliser et ma fille ne sait pas encore.
    Le soir avec mon fils aîné, nous échangeons encore là dessus, il me dit que cet après midi pendant sa sortie il y repensait, il a été un peu choqué, mais il se doutait qu'il y avait quelque chose de grave et il est soulagé de le savoir. Il reconnaît que cela l'énervait de me voir toujours mal. Maintenant si cela arrive il saura et me laissera tranquille. Ses propres mots:
    - C'est triste pour toi maman, mais je suis content et soulagé, je m'inquiétais. ( Eh oui les histoires douloureuses non dites peuvent être pensées comme encore beaucoup plus horribles, on peut tout imaginer)
    J'essaie de parler à son frère le soir, c'est beaucoup plus difficile pour lui, il a vraiment du mal à l'entendre, il refuse d'en reparler, je respecte, cela viendra aussi.
    Tout ce que je viens de vivre ces dernières semaines fait l'objet d'une séance de thérapie:
    Je relate l'écoute à sos-inceste avec mon mari. Puis l'échange, enfin l'annonce aux garçons du dimanche précédent. La psychiatre me conseille de ne pas attendre pour l'annoncer à ma fille. Elle me dit aussi que ce n'est pas étonnant que je sois fatiguée, épuisée, j'ai fait beaucoup de choses importantes.
    Séance de 20 minutes, beaucoup top courte pour moi, je repars très frustrée.
    L'après midi même j'appelle sos-inceste, je dis mon état de fatigue, de déprime, D. qui m'avait écoutée au premier entretien me fait prendre conscience de tout ce que j'ai fait depuis celui ci il y a un mois 1/2
    Maintenant, j'aurais besoin de partir me reposer, faire un break, mais mon mari refuse.
    Et puis il me reste à parler à ma fille (ce sera pour ce soir là)
    Je pense aussi qu'un jour il me faudra raconter les faits précis, je n'ai encore pas pu le faire, c'est un gros morceau qui me fait très peur.
    Après mon appel à l'association, j'ai beaucoup d'émotions, mais j'ai déposé un poids, enlevé un peu de ma souffrance en la partageant. J'ai aussi pris des forces pour parler à ma fille, et cela c'est très important.
    Ce jeudi 26 Mars 1999

    Avant le dîner, je me décide donc à parler avec ma fille, j'ai mal au ventre, c'est très difficile. Nous allons dans sa chambre et je lui explique pourquoi je n'arrive pas à aller bien encore, ce que j'ai subi quand j'étais encore une fillette. Elle me tombe dans les bras aussitôt en pleurant, nous pleurons dans les bras l'une de l'autre.
    Elle est surprise, elle ne se doutait pas, n'avait pas vu ce pan de vie quand elle avait lu mon journal intime deux ans auparavant. Elle ne veut pas en parler à sa pédopsychiatre, peut-être avec sa nutritionniste avec qui elle se sent plus à l'aise, puis non elle pense à mon amie M. Je lui dis qu'elle peut qu'il est important de ne pas rester seule avec cela, que je suis là aussi quand elle le désire.
    Elle me demande si mon père le sait. Non je lui réponds.
    Elle me dit qu'elle se confie beaucoup à ses copines (à 14 ans bien sur)
    Ses mots : Ah bon ce n'est pas parce qu'on te donne beaucoup de travail que tu ne vas pas bien?
    Comme quoi un enfant imagine et se sent responsable de la souffrance de ses parents !!!
    Je lui dis que je peux encore ne pas être bien ; qu'il me faut du temps, mais que maintenant que je leur avais parlé j'allais me sentir mieux.
    Elle me fait part de ses peurs : Que l'on refuse de la laisser sortir car on aura trop peur pour elle, je la rassure comme je peux.
    Nous sommes restées une heure à échanger, c'était très fort, rempli d'émotions de part et d'autre, mais je me sens plus légère ensuite.
    Pendant ce temps mon second fils qui savait que je parlais à sa soeur a fait une crise d'asthme. Pour lui cette révélation a été un tel choc, qu'il s'inquiète pour le ressenti de sa soeur. Je le rassure ensuite du mieux que je peux aussi et je profite de ce moment pour lui demander comment il se sent par rapport à toute cette histoire, il a du mal encore.
    Après toutes ces étapes j'aurais vraiment besoin de me reposer. Pour cela, seul un départ de la maison serait bénéfique, mais mon mari n'est pas d'accord, ni seule ni ensemble. C'est difficile pour moi.
    Les jours suivants, j'ai tendance à déprimer et puis j'ai un besoin de parler de tout ce que je vis avec quelqu'un d'extérieur . A la maison ce n'est pas possible, mes amies : j'ai l'impression de les envahir. Ma psychiatre : Tous les quinze jours en séance et souvent 20 minutes, c'est vraiment insuffisant. Sos-inceste, je n'ose pas trop appeler et je ne vais pas en entretien.
    Une semaine après avoir parlé à ma fille, j'essaie d'échanger avec elle pour savoir comment elle le vit. Elle me dit que c'était dur au début, mais que cela allait mieux maintenant. Je la sens réticente pour en parler, je pense qu'elle a besoin de temps pour digérer tout cela.

    L'année 1999 continue tant bien que mal, plutôt assez mal d’ailleurs. Je suis toujours famille d’accueil, ce qui n’est pas très facile, travail rythmé par mes séances de thérapie et les groupes de parole à l’association, groupe ou je réussis à m’exprimer après le premier, mais toujours avec beaucoup d’émotion et entendre la souffrance des autres me fait mal aussi, mais j’éprouve un soulagement à m’y exprimer, alors je continue.

    Pendant toute cette période, je somatise: crises d'hémorroïdes +++, blocage du dos, migraines etc.
    Ma psychiatre me dit: ce sont les parties du corps qui ont mal qui veulent vous dire quelque chose. On peut agir là dessus, mais c'est très long, cela se mesure en terme de mois, d'années. C'était en 1999, j'ai écrit ceci en 2005, encore quelques problèmes de somatisation, mais si minimes.
    On voit aussi avec elle ce besoin de parler de ma souffrance, c'est un besoin immense, j'aurais envie de le dire à la terre entière après 36 ans de mutisme par rapport à cela.

    Chez la psychothérapeute, je n'éprouve pas le soulagement attendu après avoir parlé aux enfants, j'ai peur de les avoir encombrés en voulant me soulager. Elle me rassure en disant que c'était dans leur inconscient de toute façon et qu'il faut leur laisser le temps d'assimiler tout cela, de leur faire confiance.  

    J'ai besoin de lâcher, d'être prise en charge et de pleurer, pleurer........ Nous sommes 6 à la maison, je me sens le pilier et il faut toujours tout assumer, je suis épuisée!!!
    Je m'occupe des autres et j'aurais besoin que l'on s'occupe de moi. Cela me renvoie bien sur à mon passé incestueux, je retombe dans le même mécanisme : plutôt que d'exprimer ma souffrance, je l'enfouis pour protéger les autres. Autrefois j'ai voulu, bien inconsciemment protéger ma mère ainsi que mon père et mon frère. J'avais complètement renié mes besoins et mes ressentis à ce moment là.
    Avec cette thérapeute, je commence à travailler sur l'inceste, elle me fait imaginer la petite fille que j'étais, je la vois coupable, mais inconsciente qu'elle était victime. Je la vois contenant ses larmes après les abus pour ne pas inquiéter les autres. Je la vois remplie de honte cette petite fille, salie.
    Maintenant je me demande pourquoi je me laissais faire, c'est cela surtout l'objet de ma culpabilité.
    Et là en imaginant cette petite fille que j'étais, j'éprouve de la révolte envers mon frère, il m'a complètement démolie. C'est la première fois en cette année 1999 que j'approche d'aussi près l'inceste. Et cela fait plus de trois ans que c'est remonté à ma mémoire, plus de trois ans que je suis en thérapie !!!
    Le soir de cette séance et les jours suivants, les larmes sortent enfin, mais ce n'est pas évident en famille. Ma fille m'entend parfois et somatise, cela lui arrive de ne pas partir pour le collège.
    Je suis souvent très mal, et j'essaie d'appeler différentes personnes, mais ce jour là, entre autre, personne n'est là, c'est dur.
    En plus j'avais invité père et belle mère à déjeuner pour fêter l'anniversaire de mon fils aîné qui se prépare à partir continuer ses études à l'étranger. J'angoisse de le voir partir et lui aussi, surtout qu'il se sépare de ses copains de fac, c'est vraiment une période difficile


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