•  Fin janvier : un article dans le journal attire mon attention, il est sur l’association : SOS- inceste de la ville la plus proche de chez moi, il indique leurs coordonnées car ils ont déménagé. Il y est noté aussi les horaires de permanence téléphonique et au local, C’est justement dans quelques jours qu’il doit y avoir la permanence téléphonique. Ils font référence à "Festen" et au "viol du silence".

    Pour moi ce sont vraiment trois situations de hasard :

    Dans ma tête je me prépare à appeler cette association, avec peur et angoisse, je me souviendrai longtemps de ce 2 Février 1999, la permanence est de 12h à 14h. Je ne vais pas à mon cours de yoga le matin, je suis trop nouée à l’intérieur, trop stressée pour appeler dès midi. Je pensais que la ligne serait occupée, non une voix douce et chaleureuse me répond :

    Inutile de dire le stress, la tristesse qui m’envahit, c’est donc vrai ? J’ai vécu l’inceste !!! mais je me sens quand même assez bien après cet appel, plus légère, j'ai réussi à le faire !!!

    Jusqu’au RV, la semaine se passe avec beaucoup d’angoisses, je n’oublierai jamais cette première rencontre, pendant le trajet je ressens beaucoup de nausées, de douleurs dans le ventre. La vision de la plaque en bas de l’immeuble me donne des palpitations, c’est comme si les faits se concrétisaient, comme si avant, peu de personnes savaient et que pour moi ce n’était pas encore tout à fait la vérité.

    Je monte les deux étages, une bénévole D. est là , sa collègue n’est pas arrivée, elle m’offre un café et nous attendons avec de gros silences, je me dis « qu’est ce que je fais là ? » et je n’ai qu’une envie c’est de prendre la porte.

    L. arrive, elle s’excuse, ne s’était pas réveillée, nous passons dans une autre salle et l’entretien peut commencer.

    Je suis tendue, j’ai très froid, je tremble, je suis nouée intérieurement, l’émotion est grande et je pleure beaucoup.

    Elles m’expliquent les mécanismes de l’inceste, c’est la première fois que j’entends cela : je ne suis pas COUPABLE mais VICTIME, cela me réconforte plutôt. Elles m’expliquent mes réactions sans que j’ai besoin de les dire. Ma période de refoulement (33ans), c’est très courant, je pensais être un cas unique.

    C’était pour me protéger, tant que mon inconscient ne pouvait pas supporter cette horreur, l’indicible, l’inacceptable. J’avais tout occulté, pour survivre.

    Elles me disent que cela peut être long, mais qu’il y a une fin à la souffrance.

    Mon frère savait ce qu’il faisait à 16 ans, c’est normal que je lui en veuille, ainsi qu’à mes parents. Il avait du pouvoir sur moi par son ascendance de 4 ans.

    Elles conseillent de dire à ma psy en thérapie qu’il me faut plus de temps pour aller mieux, de sortir ma colère (commencer par de petites choses de la vie courante).

    L’inceste cause un grand vide, pas seulement dans le corps, psychologique aussi.

    On s’en sort, ça prend du temps, avec des hauts et des bas, mais on apprend à vivre avec.

    Moi, j’ai envie d’aller bien, mais il faut le temps.

    Elles me disent qu’il existe des groupes de parole, quand je serai prête, cela peut vraiment aider.

    Je ressors de cet entretien vidée, bouleversée, mais avec un certain soulagement. Bon tout ce que j’ai entendu me tourne dans la tête (des images, des paroles) pendant plusieurs jours. L’après midi même je me sens obligée de faire une sieste, j’ai très froid, je tremble. La nuit suivante, j’ai des angoisses, une douleur au niveau du cœur, tout ce que j’ai entendu réveille des douleurs du passé.
     

    Quelle tristesse, quelle noirceur dans mon cœur, mais quelle ouverture vers la lumière aussi !!!


    3 commentaires
  •  Juin 1998

    Ma fille va chez une pédopsychiatre depuis un an à contre cœur pour me  faire plaisir, mais après avoir lu mon journal intime elle a pris beaucoup de poids et ses résultats scolaires ont beaucoup baissé, je rencontre cette pédopsychiatre pour faire le point au bout d'un an, elle me dit que ma fille m’avait servi d’anti-antidépresseur après la mort de ma mère, mais elle n’a pas comblé le vide immense laissé par celle-ci. Je me suis autorisée à déprimer quand ma fille a eu 6 ans et a eu moins besoin de moi, et ça s’est aggravé quand elle a eu 10 ans et a été autonome.

    Et moi !!!                                         

    Régulièrement ma psychiatre fait un essai d’arrêt d’anti-dépresseur, je ne suis pas bien : décharges électriques et intérêt pour rien, je prends seulement un anxiolitique, puis reprise d’un neuroleptique en décembre 98, j’ai quand même tenu 6 mois.

    Août 98

    Dernière séance avant les vacances,  je suis très mal ensuite je ressens de la frustration car elle n’avait aucune réponse, mais aussi de la dépendance.

    - Chose difficile à entendre ; quel avantage vous avez à vous retrouver mal ?
    Après réflexion intérieure de ma part : elle parle plus quand je suis mal ( mais par la suite ça ne se révèle pas vrai à tous les coups)

    J’ai besoin que l’on me prenne en charge mais ce n’est pas avec elle que j’éprouverai ça.

    Septembre 98

    2 ans que je viens chez cette psychiatre et seulement 2 fois que j’ai évoqué l’inceste.

    Octobre 1998, en focusing

    C’est le grand déballage, je parle de mes problèmes physiques, migraines et douleurs variées, et de mes insomnies, de ma dépression.

    Je dis que je me sens plus proche de la mort que de la vie, sans mes enfants, ma vie n’aurait pas d’intérêt.

    Avec l’aide de la thérapeute, je prends conscience que j’ai besoin d’air, que quelque chose dans mon histoire m’a coupée la respiration, c’est ce qu’il faut trouver.

    A l’époque je ne voyais que l’inceste avec mon frère, j’étais encore très loin de réaliser ce que m’avait fait subir ma mère !!! Que de chemin parcouru, il aura fallu encore 7 ans pour en prendre conscience.

    Les journées de désespoir se suivent en cette fin d’année, j’essaie d’accorder des temps d’échange avec chacun des enfants, mais en prenant beaucoup de mon énergie et je profite d’une pause seule dans mon lit après le repas de midi pour évacuer dans les larmes, c’est très dur !!

    J’ai de gros coups de blues qui se transforment en angoisse quand je reçois des invités.

     Octobre 98

    C’est trop difficile chez la psychiatre, après le décès d'une tante je laisse aller mes émotions, elle ne dit pas un mot, les séances suivantes je suis tellement épuisée, je n’ai plus la force de « travailler » je veux arrêter, elle n’est pas d’accord.

    Prise de conscience, la somatisation me fait penser qu’il n’y a pas de frontière entre douleur et plaisir.

    Psychiatre en 1998

    Je lui dis que je ne supporte pas ses silences, que c’est trop difficile et tout en fin de séance je dis que je ne sais pas si je reviendrai !!!

    Elle me répond : nous avons RV le 5  (15 jours plus tard)

    Même si je ne repars pas très bien, au moins j’ai réussi à lui dire ce que je pensais, une grande première pour moi !!!


    2 commentaires
  • Janvier 98

    2 ans de thérapie, je commence, enfin c’est la 2ème fois seulement que je parle d’inceste, je fais le lien entre mon mal être et le traumatisme au cours d’une séance seulement.

    Chez ma psy :

    Il vaudrait peut-être mieux oublier, je l’ai fait depuis 30 ans et ça n’allait pas plus mal !!!

    La psy :
    - Non il ne faut pas oublier, il faut s’autoriser à se souvenir pour ne pas transformer cette douleur en autre chose

     C’est dur, c’est si dur

    - Je comprends

    Si mon frère avait vécu j’aurais pu lui dire ma colère, ma révolte, mais là, non, ça m’aurait peut-être aidée, il m’a gâché une partie de ma vie. Pourquoi c’est encore si présent dans ma tête ?

    - C’est plutôt de bonne augure si c’est présent, c’est pour faire le travail, avancer, pour ne pas transformer en d’autres maux.

     

    Je reparle de ma culpabilité, mais ce n’est pourtant pas de ma faute, je ne savais pas ce qui m’arrivait.
    (aucune réassurance sur la culpabilité)

    Février 1998, mon anniversaire
     

    Mon mari va chez mon père et lui dit que c’est mon anniversaire, celui-ci me téléphone le soir en me disant: je ne sais jamais la date je me rappelle de celui de ton frère et de sa femme (le même jour que moi) mais pas du tien, je ne sais plus quand tu es née.                                  
    (Mais ai-je existé, moi ?)

    Mars 1998


    Dans le même temps j’essaie et démarre une autre méthode basée plus sur le corps: le focusing. Cette méthode qui est difficile à expliquer comporte aussi un temps de parole, cela me permet de mieux supporter ma thérapie analytique. Les propos de la psychiatre me font trop mal:

    "Travail sur la douleur et résistance aux changements":

    -On trouve un certain confort dans la douleur, c’est comme un cocon qui vous enveloppe, c’est une sécurité !!!

    -C’est difficile de quitter un état connu quand on est habituée.

    -Tout lâcher: c’est peut-être lâcher et quitter la souffrance, l’enfance, le passé, le  vécu.-Etre seule avec sa douleur, pour mieux l’entretenir, la cultiver: "mimétisme maternel"


    Aujourd'hui je peux le comprendre mais à l'époque cela m'a fait beaucoup de mal!!!


    2 commentaires
  •  Janvier 1995 :

    Ce n’est pas possible de reprendre le travail, de nouveau, augmentation de mon traitement avec cette fois deux antidépresseurs en plus des anxiolytiques, mais mon état dépressif ne diminue pas. Toutefois en famille je réussis très bien à mettre mon masque, personne ne voit combien je suis mal sauf mon mari et mes enfants. A un repas chez mon père , un dimanche , toute la famille était là , des cousines éloignées en plus , j’étais très mal , personne n’a rien vu , j’ai bien caché comme d’habitude , sauf que là mon état s’est dégradé et le mercredi suivant j’ai craqué, à table avec les enfants je fonds en larmes, je n’avais pas trouvé le sommeil la nuit précédente, j’essaie de faire une sieste et impossible de relâcher, je prends la décision d’aller chez le médecin, elle m’écoute, je ne peux plus bouger, je ne supporte plus la maison et les enfants et je ne veux pas y retourner, j’ai envie de dormir pour toujours, je voudrais en finir pour avoir la paix, pour ne plus souffrir, elle appelle mon psychiatre qui donne un RV pour le soir. Et puis je suis incapable de reprendre ma voiture, elle appelle mon mari qui vient me chercher avec mon fils.

    Le soir mon mari m’accompagne chez le psychiatre, la décision est prise pour une hospitalisation en clinique psychiatrique à 100 Km de la maison.

    Un comprimé de neuroleptique donné par le psy me permet de trouver un sommeil artificiel pour cette nuit là,  mais me vaut une syncope au cours d’un lever, mon mari angoissé m’aide à me recoucher.

    Le lendemain, tout est organisé, je suis attendue à la clinique le jour suivant qui est un vendredi.

    Le dimanche nous avions invité les deux familles pour les 10 ans de notre fille, pauvre puce, elle se rappelle que je n’étais pas là pour son anniversaire.

    Je suis incapable de décommander tout ce monde et je laisserai mon mari le faire après mon entrée en clinique, tâche très désagréable pour lui car personne ne se doutait que j’allais mal, quoi dire ? Il se débrouille du mieux qu’il peut après m’avoir conduit à la clinique.

    Mon mari a beaucoup de mal à me laisser dans cet établissement psychiatrique, éloigné de la maison, quand le médecin a annoncé un séjour d’au moins trois semaines, il voulait me ramener à la maison.

    Un mois de clinique: cure de sommeil, perfusions pendant 15 jours. Je suis ralentie, endormie, mais me sens apaisée enfin !!! Pas de visites la première semaine. Puis mes enfants et mon mari viennent tous les dimanches. Pas de télévision ni de téléphone dans la chambre 
    Je m’isole au début, je n’ai pas envie de rencontrer d’autres personnes à problèmes. Pour moi si je suis là c’est juste pour mes insomnies et l’épuisement, mon psy n’a-t-il pas dit que c’était une dépression d’épuisement ?

    Tous les jours un psychiatre passe, pose des questions sur l’enfance, pour moi il n’y a eu aucun problème. Mais comment j’ai pu à l’époque n’avoir le moindre doute, le moindre souvenir ? Peur de ce que j’allais trouver ? Pas prête à le supporter ?

    Au bout de trois semaines j’ai envie de sortir, la quatrième sera difficile. J’ai du lutter pour convaincre le médecin chef que je voulais rentrer chez moi et que surtout j’allais mieux, il voulait que je prolonge au moins d’une semaine.

    Mes enfants, mon mari me manquent, leur visite hebdomadaire qui me fatiguait beaucoup au début ne me suffit plus, et puis physiquement je suis reposée, le sommeil n’est pas terrible mais les cliniques sont bruyantes la nuit. Je suis droguée au delà de ce que j’ai pu prendre jusqu’à maintenant. La veille de partir je me prépare à signer une décharge et mon mari prévient mon médecin traitant que j’aurai besoin d’une ordonnance pour poursuivre mon traitement. Et finalement lors de sa dernière visite le matin du départ, le médecin autorise ma sortie, que de stress et d’angoisse supplémentaire pour rien, je prépare fébrilement mes affaires, je sors, l’ordonnance dans le sac, c’est tout souriant que mon mari vient me « récupérer », lui qui avait eu tant de mal à me laisser, sa joie est communicative. J’ai fêté mes 43 ans en clinique bien tristement.

    Le trajet du retour : je ne l’oublierai jamais. Dès le départ, mon mari m’annonce qu’il a quelque chose à me dire, je suis déjà anxieuse et stressée en plus de l’excitation de rentrer, et puis se rajoute à cela l’inquiétude de savoir si je vais pouvoir supporter à nouveau l’ambiance familiale avec le bruit, la VIE, après ces quatre semaines isolée du monde. Pendant les 100 Km qui séparent la clinique de la maison, une seule conversation : il y a eu menace d’inondation et ils ont du, aidés de la famille , déménager toute la maison, les pièces et les meubles ont été entièrement vidés, tout a été mis hors d’eau, et ils ont dormi sur des matelas à même le sol pendant une semaine, puis les menaces ayant été levées, ils ont tout réaménagé. J’ai beaucoup de mal à réaliser tout cela, je ressens un mélange d’émotions désagréables : une angoisse de n’avoir pas été là pour les aider, mais à la fois un soulagement car je n’aurais pas eu la force de faire face à cela, et puis une impression désagréable d’intrusion dans mon intérieur (bien sur que je comprends mieux pourquoi aujourd’hui), une inquiétude pour mes enfants qui ont subi ce nouveau choc. Les larmes sont là sur cette route du retour, je me sens tellement fragile !!!Le trajet de ce retour qui aurait du être une joie s'avère bien triste .

    J’arrive à la maison épuisée, accueillie par les enfants, la joie de se retrouver est tellement forte cependant. Ils se sont appliqués à mettre la maison propre, mais il y a beaucoup de choses que je ne retrouve pas suite à ce déménagement et je suis complètement perdue.

    Les jours qui suivent sont difficiles, je suis épuisée, toute cette vie à la maison, cette sollicitation, moi qui venais de vivre un mois de solitude, j’appelle le médecin qui ajuste mon traitement. Mon père et ma belle mère viennent me voir,  je ne fais que pleurer. Il me faudra une semaine pour reprendre pied dans la vie, cette période laisse en moi un souvenir de souffrance: le séjour en clinique bien sur, mais enveloppé comme dans un univers cotonneux sous l’effet des médicaments, mais surtout le retour à la maison brutal et la reprise de la vie précédente. Qu’est ce qui a changé ? Je suis moins fatiguée, je dors un peu mieux, mais je prends tellement de médicaments.


    3 commentaires
  • De la souffrance à la reconstruction

    J'ai écrit pour trouver la clé qui conduit au bonheur.
    "Ecrire pour ce que je ne sais pas encore et qui cependant m'étouffe"

    Je suis une femme quinquagénaire, qui renait de ses cendres. J'aimerais faire passer un message : Même après avoir été démolie pendant toute son enfance, on peut se reconstruire.


    La VIE est toujours présente quand on sait regarder tous les petits bonheurs qui nous entourent. Parfois dans un tunnel sans fin je ne pouvais pas les voir, mais dans ces moments là, d'autres éclairaient mon chemin et m'aidaient à tenir debout pour avancer.

    J'ai été soutenue, portée par beaucoup de personnes quand je pliais sous le poids du fardeau, et  je serai toujours reconnaissante à ces oreilles, ces yeux, ces bras d'avoir été là dans ces moments difficiles.

    OUI, au bout de la nuit , il y a la LUMIERE.

    Après 11ans 1/2 de journal intime avec crayon(s) et cahiers
    ( une bonne vingtaine, 26 je crois !!!)
    Après 11 ans 1/2 de thérapie dont je relatais les séances dans d'autres cahiers, je vais essayer d'aligner ici les mots et les maux, et les lettres.
    Je me décide à manier souris et clavier, je ne sais pas encore de quoi sera fait exactement ce blog, ni ou il me conduira !!!

         

    J'espère de tout coeur que ce sera pour un livre, affaire à suivre.
    Si des auteurs passent par là et peuvent donner un avis, j'accepte.


    12 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique