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    Au rythme d'une tous les 15 jours, ces séances ont étayé ma vie en 2001. Même si je me sentais mieux, j'avais besoin de mettre des mots sur ce que je vivais surtout, et encore un peu sur le passé.

     

    Je dis au psy pour une fois que je vais bien, il relève aussitôt, il n'a  pas tellement l'habitude de m'entendre le dire. Il me demande si j'ai la tête moins pleine, oui quand même et si elle me fait souffrir, je n'ai eu qu'une crise de migraine en 15 jours. Je lui fais part par contre des cauchemars de mort qui sont encore présents.
    Comme d'habitude il lit mon cahier, comme j'ai très peu écrit, il me fait la réflexion. Il conseille tout de même de noter les cauchemars pour voir le contenu, s'ils sont différents de ceux d'avant. Je réponds que le contenu est le même pour les cauchemars de mort, mais que je ne fais presque plus de cauchemars d'agression. Il me demande quels sont les morts dont je rêve, je lui dis: ma mère, ma tante............ en moyenne une fois par semaine. Il demande de détailler, je raconte pour ma mère; c'était au cimetière, on la déterrait pour l'enterrer ailleurs. Je ne voulais pas voir.
    Pour ma tante, on voulait la réduire pour la mettre dans le cercueil et je criais que je ne voulais pas savoir, ni voir. Il y avait l'odeur de mort aussi. Il trouve que cela fait penser à un film d'horreur, je dis que je n'arrive pas justement à regarder les films d'horreur. Il ajoute que dans mes cauchemars c'est comme si j'étais à l'intérieur d'un film, et que je fermais les yeux pour ne pas voir. Il veut savoir si je rêve toujours de ma mère et de ma tante, non d'une cousine âgée aussi à laquelle j'étais très attachée. Il demande si j'ai de la rancœur et de la colère envers ces gens là, envers ma mère et mon frère, oui, pas pour les autres. Il lui semble qu'il y a quelque chose de non résolu par rapport à la mort, et demande si ces personnes là étaient très liées à mon histoire. je précise que ma tante, non, par contre pour ma cousine qui habitait une maison mitoyenne à celle de mes parents, je pense maintenant qu'elle se doutait de ce qui se passait avec mon frère. Et puis, je n'accepte pas la mort des proches.
    Il dit que c'est bien ce que ces cauchemars veulent dire justement, et que je voudrais que les morts soient vivants ou pas complètement morts en tout cas, qu'ils soient dans la pièce à côté, mais pas trop présents. J'ajoute que sans doute, que je rêve souvent que ma mère revient aussi et que ma belle mère est là et que c'est très compliqué.
    Le psy conseille de retourner voir le prêtre. Je lui dis que pas longtemps avant en l'entendant parler d'amour, je me faisais la réflexion que j'aimais mon frère mais que je ne pouvais pas lui pardonner. Il trouve que c'est paradoxal et courant dans l'inceste, les enfants abusés par leur père, l'aiment aussi. Je dis que je déteste mon frère pour ce qu'il m'a fait, mais que d'y repenser encore, cela m'énerve, il précise que je ne peux pas oublier, c'est normal même si je n'en souffre plus, et que l'on peut éprouver les deux sentiments, amour et haine.
    J'ajoute que je fais souvent des cauchemars de bébés que je fais tomber aussi, et que je me réveille quand ils tombent.
     
    A la séance précédente, il m'avait demandé ce qui changeait dans ma relation aux autres, je précise qu'avec mon père et ma belle mère, il n'y a aucun changement, je ne les supporte pas, je les laisse parler en étant un peu en retrait. Il trouve que c'est très bien. Avec mes amies, je parle moins aussi, mais je ne me sens pas à égalité, je me sens nulle, moche............
    Alors il dit que l'on va maintenant travailler sur l'affirmation de soi, et il demande que j'aille au cimetière, dire à mes proches mon évolution et mes progrès depuis un an, et leur dire de me fichent la paix, car je ne leur ai pas dit.
    Et puis il ajoute que quand je fais des cauchemars d'horreur c'est comme si je maintenais une certaine "excitation", ce n'est pas le mot juste, mais une façon d'entretenir la douleur dans les cauchemars ( un peu dur à entendre cela ) Il me faudrait acquérir de la confiance en moi.
    Je dis que cette semaine là justement j'ai un peu plus d'estime de moi avec la seconde jeune que j'accueille. Il trouve que cela doit être lourd et que c'est bien, mais qu'il faudrait trouver du plaisir à me rendre heureuse moi au lieu de rendre heureux les autres et de faire des choses pour moi au lieu de les faire pour les autres. Je précise que je fais du yoga et prends des cours d'anglais. Il dit que c'est bien mais pas suffisant ( raaaaaa il est ch.... ) il faudrait plus travailler l'expression, faire sortir les émotions, comme le théâtre, j'y réfléchirai.
    A la fin il redit d'aller dans les cimetières, je lui réponds que je prends des vacances avant, on verra ensuite, il insiste en me disant que cela me fera du bien.
    Puis il me félicite en disant qu'il est content de l'évolution et et de ma réflexion.
     
    C'était une bonne séance dans le sens ou je me suis sentie bien ensuite, et c'est vrai que moi aussi, je me sens avancer.
     
    Cela ne m'a pas empêchée la nuit suivante de faire un nouveau cauchemar, mais cette fois c'était la mère d'une collègue qui était morte, elle me racontait cette mort cependant.
    C'est peut être un peu plus à distance.

     


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    A cette période, je suis dans un état de fragilité et de sensibilité extrême. Une ancienne collègue perd sa mère, je vais avec les autres à la sépulture, je suis souvent en larmes, des paroles, des phrases entendues font écho en moi. Je pense à tous mes disparus,
     
    Cela ne m'empêche pas de m'investir dans mon travail, je rappelle que j'accueille une jeune de 12 ans qui a un retard intellectuel important, ne sachant ni lire, ni écrire, elle a aussi des troubles du comportement. Elle va dans un IME dans la journée et rentre à la maison en taxi en soirée.
    L'assistante sociale de l'institut ou je travaillais avant me demande si je ne veux pas étendre mon agrément afin d'accueillir une jeune de 18 ans pendant les vacances scolaires de février, j'accepte. Je connais cette jeune, elle est non voyante, avec handicap associé, s'exprime que difficilement, n'est pas autonome. je l'ai à temps plein pendant une semaine, et chose étrange, malgré ma fatigue j'ai plaisir à m'occuper d'elle, c'est assez gratifiant, elle s'attache à moi, la séparation est difficile.
    Je me demande aujourd'hui en 2011, comment j'ai pu faire pour tenir le coup à cette période, j'étais dans un état physique et psychologique déplorables, j'avais beaucoup d'obligations ménagères, mes deux plus jeunes enfants étaient encore présents à la maison, ma fille de 16 ans avait  besoin que je la conduise partout. Mon mari était aidant et soutenant, mais il travaillait. Je crois que ce qui me faisait du bien dans mon investissement professionnel, c'est de donner du bonheur à un enfant, c'était en quelque sorte, réparer le passé.
     
    Je me souviens d'une belle sœur qui passait régulièrement me voir et ne comprenait pas que je puisse aller mal. Ce jour là je lui ai dit que j'allais bien, c'est ce qu'elle attendait depuis si longtemps, eh bien elle était tout d'un coup très proche et compréhensive.
     
    Je fais encore des cauchemars de morts et de cimetières, les nuits ne sont pas reposantes.

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    Les lendemains de séance, sont souvent très difficiles et pourtant j'avance, mais ce lendemain là justement, j'étais dans un état d'angoisse à la limite du supportable. Il fallait que j'en parle à quelqu'un, c'est encore mon amie M. qui était présente au téléphone. Elle me rassure énormément, je raccroche épuisée et triste, mais l'angoisse a disparu.
    La nuit suivante je fais un horrible cauchemar de mort, je vais le raconter ici:
     
    "Ma tante, sœur de ma mère décédée 2 ans avant en réalité, venait de mourir, elle était religieuse, mes parents avaient été appelés par la communauté pour prendre une décision. J'étais allée avec eux, on était obligés de maquiller le visage de ma tante morte, en permanence car il se dégradait, et je ne voulais pas savoir ce qu'ils allaient faire ensuite, je criais que je ne voulais pas savoir. Ils étaient dans la chambre mortuaire, j'étais dans une pièce à côté avec mes enfants, il y avait une odeur de mort partout. Une religieuse avait parlé près de nous et disait qu'il fallait diminuer le corps pour la mettre dans son cercueil, c'était affreux. Je me réveillais, buvais un peu d'eau et repartais dans mon cauchemar."
     
    Le lendemain nous avions nos parents de chaque côté pour fêter l'anniversaire de notre fille. je n'étais pas vraiment en forme pour préparer tout cela. Et puis ensuite, supporter les réflexions plus ou moins désagréables des parents relevaient du gros effort pour moi.
     
    Quelques jours après, j'appelle l'association, j'ai besoin de reparler de ma séance de psy, on me dit que le psy veut que je me prenne en charge, que j'ai été portée pendant toute une période, que c'est à moi de décider de la suite. Et puis, sans doute que le psy préfère que je parle plus  maintenant plutôt que d'écrire sur mon cahier et de lui donner à lire. Et puis on dit que ce psy veut me bousculer, que son humour, est habituel. Et que si j'ai besoin de travailler sur ma mère, bien sur que je peux le faire chez lui. On me dit aussi qu'il ne m'abandonnera pas, que ce sentiment d'abandon vient de mon histoire. En tout cas cet échange m'a fait vraiment du bien, même si je sais beaucoup de choses qui ont été dites, j'ai besoin de les entendre encore et encore.
     
    Peu après, je revois mon médecin homéopathe qui va dans le même sens. Il dit lui, que si le psy a changé de comportement, c'est que j'ai grandi en thérapie. Il ajoute que l'angoisse de fond de la majorité des gens, c'est de ne pas être aimé et de n'intéresser personne. Il trouve que je suis très exigeante avec moi même, que l'on ne peut pas toujours être au top, il faut l'accepter. Accepter d'avoir besoin de repos, c'est par cycle, comme les saisons. Il me dit de m'occuper beaucoup de moi, que j'en ai besoin. Il pense que ce sera important de travailler sur ma mère, qu'il y a surement à faire là dessus. Il dit aussi que tous les enfants se culpabilisent de ne pas rendre leurs parents heureux, que j'ai sans doute beaucoup de culpabilité par rapport à ma mère que je n'ai jamais connue bien. Il pense que c'est très bien d'avoir parlé aux enfants. Puis il me félicite en disant que je suis sur le bon chemin.
     
    J'essaie en tout cas de mettre en pratique toutes ces consignes, surtout en prenant plus de temps pour me faire du bien, pas toujours facile avec travail et enfants.

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    Séance du 19-01-2001

     

    Si je relate surtout mes séances de thérapie, c'est que je parle là de ce qui constitue une bonne partie de ma vie en cette année 2001.

     

    Je fais part au psy que je me suis sentie bien cette semaine, mais que depuis la veille, j'ai une grosse migraine qui ne veut pas passer et m'épuise.

    Il réussit avec plusieurs questions à me faire dire que je ne me repose pas plus pour cela et que mon corps me le demande, que j'aurais besoin de cocooning. Il conseille de prendre le traitement de la crise dès le début de celle ci, et d'aller m'allonger pour que les médicaments fassent effet. Il pense que j'ai fait un énorme travail psychologique, religieux et humain et que maintenant j'ai besoin de récupérer. Je constate que j'ai un petit rythme et que je ne l'accepte pas, le psy dit que tant que ce sera comme cela, mon corps continuera de se manifester en explosant. Il rappelle que je suis en convalescence et reconstruction et que je semble ne pas vouloir l'entendre. Oui, je veux aller trop vite surtout.

    Il reparle du bienfait que serait un engagement dans une association, de ma relation aux autres. Je lui dis que je me sens bien à la maison désormais et que je veux en profiter un peu.

    Ma relation aux autres reste difficile, je souligne mon sentiment de ne plus intéresser personne depuis que je vais mieux, je parle ici de mes amies qui m'ont tant soutenue. Il précise que je ne suis plus une enfant, ni une femme malade que l'on plaint, je suis en cicatrisation, mais l'égale des autres. Je suis capable de dire non, d'exprimer mes sentiments, la colère, l'amour. Dans la démarche de pardon, c'est pareil, nous ne sommes pas à égalité.

    Puis il conseille une thérapie de groupe, je lui dis que cela doit être très difficile, il dit que j'ai fait des choses beaucoup plus difficiles que cela, et que j'en suis capable, que cela consiste en des jeux de rôles et stage d'affirmation de soi. Je pensais avoir un peu de paix et n'ai pas vraiment envie de me remettre dans la contrainte. Il pense que ce n'est pas urgent mais que ce serait bien de le faire dans l'année. Devant mes réticences, il dit qu'il n'en reparlera pas, que ce sera moi qui déciderai quand je serai prête.

    J'évoque mes attentes avec mes amies, par exemple un appel téléphonique qui ne vient pas et je raconte que la semaine précédente c'est moi qui ai appelé pour aller marcher, mais j'ai toujours peur d'essuyer un refus. Il trouve que c'est très bien cette initiative et que c'est vraiment un changement, de noter ce genre de changement. Il dit qu'il faut apprendre à gérer les refus des autres.

    J'ai beaucoup de mal à exprimer mon ressenti dans la suite de la dernière séance, il m'encourage à le faire. Et je dis que c'est parce que j'avais dit que je me sentais mieux que j'étais moins bien après coup, que cela me désole d'être comme ça. Il  me demande ce que j'ai fait pour aller mieux, je dis que le temps a arrangé les choses. Il précise de nouveau que je suis à cicatriser et que la cicatrice peut s'enflammer, mais qu'il va falloir une reconstitution du moi. Puis en pleurant, je réussis à dire que ma grande peur c'est qu'il mette fin aux séances. Il me rassure en me disant que l'on arrêtera quand je prendrai moi la décision.

    Et je dis que nous n'avons pas travailler sur ma mère, que j'ai cette nécessité là aussi. Il parle du jeu des 7 familles, la mère après le père et le frère, son humour décapant ne passe pas à ce moment là. Puis il dit que je peux écrire sur ma mère, lui écrire, et parler d'elle. 

    Il conseille de ne pas toujours me dire que je n'intéresse personne, que je suis nulle, car je retombe vite dans la rumination. Il dit que les autres peuvent avoir des défauts aussi, que ce n'est pas pour cela que je suis abandonnée. Je dis que c'est toujours ma peur d'abandon de l'enfance qui revient.

    Il conclut en disant que je pouvais être heureuse du travail fait.

     

     


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    Un peu plus tard en janvier 2001, je me décide à revoir le prêtre que j'ai déjà rencontré, je veux retourner le remercier en lui apportant des chocolats, et puis j'ai envie de continuer la conversation avec lui.
    Comme la première fois, il m'offre un café. Je lui fais part de mon état de paix pour passer ce dernier Noël, et je lui raconte ces fêtes, il se réjouit avec moi. Il me dit ensuite que maintenant, il va falloir m'aimer moi même, je dis que cela c'est encore difficile. Il me demande ou j'en suis avec mon père, je réponds qu'il n'y a pas de changement. Le prêtre pense que je lui ai dit, c'est déjà bien et qu'il ne faut rien en attendre.
    Nous reparlons du cimetière, je lui fait part de mon impossibilité d'y retourner, il dit de ne pas brusquer, que cela viendra.
    Nous parlons de mon psy, qu'il connait donc, et je dis que la dernière séance m'a laissée sur quelque chose de difficile, il me demande si j'ai peur d'aller bien. je n'ai pas l'impression, c'est tellement plus agréable quand tout va bien. Je disais à mon mari que dès qu'il voit que cela va moins bien, de ne pas me laisser m'enfoncer, mais il me répondait que c'était à moi de faire ce qu'il fallait pour cela, je lui ai répondu que parfois on ne se rend pas bien compte soi même.
    Le prêtre dit que oui, il faut se ressaisir dès le début. je lui réponds que c'est comme une lame de fond, ça nous emporte, parfois quand l'angoisse monte, il faut absolument que j'en parle à quelqu'un au téléphone souvent, l'association, le psy, une amie............et un moment après je me sentais un peu mieux. Il est d'accord pour dire que les gens en majorité ne comprennent pas cela, ils disent il faut sortir etc....par exemple la mère de mon mari me voyant très occupée pendant les fêtes me disait; pendant ce temps vous n'avez pas le temps de penser à vos problèmes, comme si on avait des problèmes parce que l'on y pense.
    Je reparle du pardon ( un peu la raison de cette seconde visite ) je précise que je n'arrive pas à réciter le Notre Père, il conseille de prier et de savourer l'amitié avec mes amis. Je parle de mon sentiment d'abandon parfois, il répond qu'il y en a Un qui ne m'abandonnera jamais et qui s'intéressera toujours à moi.
    Je parle du poème brésilien d'Adémar de Barros que j'aime beaucoup.
    Nous parlons de mon désir d'aider dans une association, il trouve que c'est bien.
    Je lui fais part de mon sentiment d'avoir laissé mon problème d'inceste derrière moi, il me restait ces deux démarches pour cela: parler à mon père et rencontrer un prêtre.
    Il me dit qu'il y aura peut être encore des lames de fond, mais que je verrai les choses plus paisiblement.
    J'évoque un peu ma mère en disant qu'elle était toujours malade et disait que mon père ne s'occupait d'elle que quand elle était malade ( tiens, tiens !!!)
    Je fais part de mes craintes de voir le psy arrêter la thérapie, il me demande si ce sont les silences qui me font dire cela. Je ne sais pas, je crois que j'aurais besoin qu'il me dise que j'en ai encore pour plusieurs années, de même que j'aurais besoin que mes amies me disent que je les intéresse encore, même si je vais bien, je sais que c'est ridicule, mais !!!. Nous pensons ensemble qu'il vaut mieux en rire car je ris en effet.
    Je raconte que je suis sensible à ce que disent et pensent les autres, il dit qu'il ne faut jamais s'arrêter au jugement des autres mais pouvoir dire que l'on s'en fiche .
    Il conclut en disant: Dieu vous envoie les choses quand c'est bien pour vous, il faut avoir la foi, c'est important aussi la foi en thérapie. je repars de chez lui apaisée encore une fois et sans autant d'émotion qu'à la précédente rencontre.
     
    Ce fut de belles rencontres dans ma vie que celles avec ce prêtre.
     
     
     

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