• chapitre 4 , partie 12 :" décrassage, le grand nettoyage"


    Puis le fameux jour de cette séance est arrivé, c'était le samedi 15-04-2000, sur mon journal intime j'avais noté "GRAND JOUR DE LIBERATION".
    Après une mauvaise nuit, nous prenons la route de la ville ou habite mon psy, mon mari m'attendra dans la voiture, je ne me sentais pas capable de conduire et j'ai bien fait de prendre cette précaution, on le verra tout à l'heure.
    J'étais en avance dans la salle d'attente, ce cabinet de plusieurs médecins me semble désert un samedi. Le psy vient me chercher avec 15 minutes de retard, quel stress en attendant !!!

    Le psy s'asseoit derrière son bureau, mais tourne sa chaise de façon à ne pas me regarder, je le vois de profil, il ne parle pas, mais attend, et cela me bloque complètement. je ne sors pas un mot, puis enfin:

    - Si vous voulez faire  une heure de silence, ça peut se faire et ce sera positif aussi.
    -
    Je ne suis pas venue pour cela

    Silence de nouveau

    -
    Je n'arriverai pas de toute façon.
    -
    Ah, de toute façon, c'est comme une fatalité mais quand on programme, ce n'est pas toujours mieux. Vous êtes dans l'ici et maintenant, plus dans ce qui était programmé.

    Nouveau silence

    - Je peux vous demander une chose?
    - Oui

    - Est ce que je peux aller m'asseoir à côté de vous?

    - Oui

    - Comme ça on regardera dans la même direction et on verra les mêmes choses.

    Je prends ma veste posée sur l'autre chaise, sur mes genoux, j'ai l'impression qu'elle me protège un peu. Je n'arrête pas de balancer ma jambe nerveusement, et ce sera toute la séance jusqu'à ce que j'éclate en sanglots.

    Silence

    - Vous voyez le tableau à gauche, cela représente le rêve, il y a des anges sur des fleurs, c'est la pureté, la douceur, on pourrait dire que c'est l'enfance.
    Et vous voyez ma très grande plante à droite? elle en entend de toutes les couleurs : des choses tristes, très tristes et des choses qui le sont un peu moins, des choses coquines aussi puisque je fais de la sexologie, des choses très hards aussi. Mais ça la nourrit et la fait pousser. Et tous les ans, je coupe tout ce qu'elle a de mauvais, toutes les mauvaises pousses et ça lui redonne de la vigueur. Je l'aime bien ma plante, et elle se plait ici, j'en avais une autre dans une autre pièce ou il n'y avait pas de patients qui venaient, eh bien elle a crevé. Celle ci elle est nourrie par les mauvaises choses qu'elle entend et elle repart sur de nouvelles bases.

    J'ai bien écouté et bien compris la symbolique mais j'ai toujours autant de mal à démarrer. Je soupire profondément, il soupire aussi. Il respire calmement et profondément comme en sophro, il me guide pour que j'en fasse autant. Au bout d'un moment qui m'a paru un siècle je me lance d'une voix à peine audible :

    -
    Je me sens sale et il faut que je sorte toute cette saleté
    - Hum, comment vous faites le lien entre seule et saleté?
    - Non, SALE
    - Ah oui, j'avais compris seule.
    Quels sont les mots qui vous viennent à l'esprit à partir de sale?
    - salie, souillée, sexe, déchirée, ensanglantée.
    - OK, sexe, sale, souillée (il écrit tous les mots que je dis, puis me tend la feuille)
    Ecrivez en d'autres.

    J'écris: froid, noir, douleur. Il regarde et approuve.

    - Bon il faut faire la différence entre l'avoir et l'être. Vous avez été souillée, déchirée, ensanglantée. Vous n'êtes pas dans l'action. Vous écrivez: c'est ce salaud qui m'a fait ça, ce n'est pas moi qui faisait.

    Je n'arrive pas à écrire "ce salaud", alors je réfléchis un peu puis écris : C'est lui qui m'a fait des saloperies, ce n'est pas moi.

    - Bon, vous avez subi enfant, maintenant vous ne subissez plus, vous êtes une femme avec des valeurs, des qualités. Ecrivez le!

    Je ne peux pas , alors j'écris : J'ai été démolie, je vais me reconstruire. J'ai l'impression qu'il va déjà vers le positif et que je ne pourrai pas raconter le viol cette fois ci, et si c'est ça, je serai très mal après, je le pressens. Je pleure et je ne peux pas écrire de choses positives.

    Silence

    Puis j'écris : Je veux raconter ce qui s'est  passé car je me sens encore salie.

    - Par écrit ?

    - NON
    -
    OK, rrespirez bien et commencez en expirant, venez en aux circonstances, vous vous rappelez du jour?
    - Non,Je veux dire ses paroles, c'est ce qui me fait le plus mal

    - Oui, crachez toutes ces vomissures, crachez lui dessus ( cela dit avec une extrème douceur et beaucoup de respect envers moi).


    Silence, je pleure à chaudes larmes et respire fort.

    - Si vous voulez je vais écrire ce que vous dites, je vous dirai pourquoi après.

    -
    Mon frère faisait des cabanes. C'est dans l'une d'elle que cela s'est passé. Mes parents faisaient la sieste l'après midi, et ils voulaient avoir la paix, alors ils nous faisaient partir de la maison. Je me souviens seulement du moment ou j'étais allongée là, je pleurais et j'avais très mal, mon frère disait ......... il disait............. il disait: attends est que je ................, et plusieurs fois il a répété cela ( je n'écris pas ses mots ici aujourd'hui, mais je les avais dit ce jour là) et c'est tout ce dont je me souviens.

    Silence

    - A quoi vous pensez?
    - A mon mari
    - Oui?
    - Parce que quand je suis avec lui dans l'intimité, depuis que cette histoire est revenue à ma conscience, c'est cette mémoire là qui est présente.
    - Oui, mais quand vous êtes avec votre mari, c'est la petite fille qui ressent encore, mais maintenant cela va être la femme.
    - Mais pourquoi je ne me souviens pas de ce qui s'est passé après, ni avant d'ailleurs?
    - Ce sont souvent les moments les plus terribles qui reviennent à la mémoire. Pouvez vous imaginer ce qui s'est passé après?
    - Non , enfi
    n j'ai du me sauver en courant, mais je ne sais pas.
    - Pour aller à la maison?
    - Oui
    - Vos parents faisaient encore la sieste?
    - Oui, surement
    - Vous avez pris une douche?
    -
    Je ne pense pas ( je ne lui ai pas dit que nous n'avions pas de salle de bains)
    - Vous vous etes renfermée dans votre chambre?
    - Je n'avais pas vraiment de chambre, juste une coin aménagé qui donnait sur la cuisine, oui je pense que j'y suis allée, mais pas de souvenir. Je pense que j'ai du refouler aussitôt.
    - Oui, vous vous êtes ramassée sur vous même, recroquevillée, blindée. Mais maintenant vous allez vivre, panser vos plaies, mettre de la douceur en vous.
    Pensez vous que votre frère vous avait menacée?
    - Oui il m'avait surement dit de ne pas le dire à nos parents
    - Bon je vais déchirer la feuille en trois parties, il y en a une c'est, avant, l'autre c'est pendant, la 3ème, c'est après.Vous allez déchirer les 2 premières en petits morceaux et vous les posez sur le bureau. Il me donne la troisième, je déchire les deux premières avec un peu de rage. Il repart derrière son bureau, me tend une autre feuille et me dit d'écrire : Pour Pâquerette, vous écrivez un merci et quelque chose que vous allez faire pour vous remercier.

    J'hésite beaucoup en disant que je ne sais pas, cela me demande tellement d'effort après ce déballage. Je finis par écrire "merci" et ne sait plus quoi mettre, il m'encourage et j'écris "occupe toi de toi"

    - C'est bien, vous faites un tour en ville ou vous rentrez directement?
    - Non, mon mari m'attend dans la voiture.
    - Ok, et que pensez vous faire cet après midi?
    - Nous partons en week end.
    - C'est bien, mais vous allez vous faire un cadeau, pas des fleurs, mais quelque chose qui vous reste, pour fêter aujourd'hui, je vous ordonne de  le faire.

    Il fait sa feuille de soin.

    - Ca va?

    Pas de réponse( je me sens si angoissée)

    - ça va?
    - C'est dur.......... et j'éclate en sanglots, sans retenue, bruyamment, ça sort enfin les émotions. Il revient s'asseoir près de moi et pose sa main sur mon épaule pendant tout ce temps.

    - C'est bien, laissez sortir toute cette saleté, allez y, plus de saleté, de nausées, de souillures, de vomissures.

    Je suis dans un état pitoyable, épuisée, le mal de tête vient, puis des fourmillements dans les jambes, les mains, le visage. Je lui dis.

    - Ce n'est pas étonnant, c'est quand quelque chose se libère, vous voulez vous allonger?
    - Je sais pas

    Comme les fourmillements sont de plus en plus forts, il me conduit jusqu'au divan et s'asseoit dans le fauteuil à côté. Mes mains se pincent, mes pieds se tendent.

    - Vous avez quelque chose à prendre pour vous détendre?
    - Du xanax
    - Je vais vous chercher un verre d'eau.

    Il me le donne ainsi que mon sac pour que je prenne un comprimé, je tremble comme une feuille.

    - Vous savez ce que je vais faire de vos petits papiers?
    - Les brûler?
    - Non je vais les mettre dans les toilettes et tirer la chasse d'eau, vous l'entendrez.

    Il va faire ce qu'il a dit.

    - Vous avez entendu? ça y est, la merde est partie avec la merde. Il me demande si je veux la feuille de merci, je dis non et il la met dans mon dossier. Il revient s'asseoir et me dit: 
    -  Vous savez que je suis fier de vous? vous le savez ça?
    - Oui (je crois que j'étais bien incapable de savoir cela)
    - Vous avez bien travaillé, c'est très bien tout ça, ça va mieux?
    -
    J'ai encore des fourmillements mais vous pourriez peut être appeler mon mari, il a le portable.
    - Oui, le numéro?

    Il le fait en disant que j'ai eu des angoisses et que j'ai du m'allonger. Puis il me passe ma veste et me redit que c'est très bien, que je voulais le faire.
    - Oui, sinon je n'aurais pas été bien.

    Il m'a aussi demandé ce que je ferai cet après midi, j'ai dit que je voulais me coucher et je rappelle que nous partons, il dit que c'est très bien de vouloir récupérer avec le repos.
    Mon mari arrive, le psy lui dit juste que l'on a beaucoup avancé et que c'est très bien.
    Mon mari dit: je m'en occupe et nous partons, le psy m'a dit de l'appeler le lundi.

    Cette séance a duré 1H15, il avait deux patients dans la salle d'attente, mais il n'a, à aucun moment montrer qu'il était impatient, je pense que c'est vraiment un bon thérapeute, très humain en plus.

    Inutile de dire mon état en rentrant, mais je ressens vraiment une grande libération.




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  • Commentaires

    6
    Vendredi 2 Janvier 2009 à 17:42
    Oui Motdit, plusieurs fois!!!!
    bises et bonne année
    5
    Dimanche 21 Décembre 2008 à 12:33
    je sais qu'on se connait.. mais je ne te connaissais pas ainsi... Quant à la "merde"... Il faut tirer la chasse plusieurs fois... je le sais moi ça fait ... ans que je suis accrochée à la chaine! mais peu à peu on évacue.
    4
    Dimanche 21 Décembre 2008 à 12:12
    Merci Tom, non heureusement que nous ne sommes pas toujours responsables, nous sommes peut etre responsable de notre bonheur ou non bonheur, encore que!!!
    Joli blog que le tiens
    3
    Dimanche 21 Décembre 2008 à 12:11
    Merci Modit, mais tu sais on se connait, c'est Paqui, Paquerette
    je ne sais pas si la chasse avait bien fonctionné ce jour là, soit il en est rtesté de la M.... soir il y en avait encore à remonter
    bisous, comment vas tu toi?
    2
    Dimanche 21 Décembre 2008 à 11:53
    c'est Tom et Jerry qui m'a donné le lien... moi aussi j'ai décidé de tiré la chasse.
    1
    Dimanche 21 Décembre 2008 à 10:22
    Très courageux... hé, oui : nous ne sommes pas toujours responsables de ce qui nous arrive, même si on a tendance à le penser lorsqu'on est enfant. Mes encouragements t'accompagnent. Vous accompagnent.
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