• chapitre 3, partie 10, " Sortir de la boue en thérapie "


    Toujours en févier 2000




     Au cours de la semaine précédent la séance ou je dois faire trois lettres, il y a le groupe de parole à sos-inceste. Je suis angoissée pour y aller, mais une fois sur place, comme d'habitude j'y trouve chaleur et écoute.

    Je parle de l'annonce faite aux enfants, j'évoque la mort de mon frère, ce qui est encore très douloureux pour moi, et je rentre fatiguée, mais apaisée.


    C'est l'époque ou je fais beaucoup de cauchemars, j'ai souvent dans les bras un bébé dont je dois m'occuper, et soit, il a plein de problèmes, de malformations, soit je le fais tomber et il meurt, c'est terrible.


    C'est à cette période là aussi que je commence à prendre conscience que j'identifie mon fils aîné à mon frère, c'est plus que troublant, je me trompe souvent de prénom en pensant à lui. Et c'est quand je ne supporte pas ce qu'il fait, ce qu'il est..........

    Et cela me renvoie au manque de pudeur de mon frère qui se baladait nu dans la maison à 16 ans au moins.


    Le week end précédent la séance ou je dois apporter les lettres, je ne tiens plus et je ne résiste pas à faire la première. Je l'écris d'un jet, les idées affluent, dans les larmes je couche ma vérité sur une feuille: en gros je demande à mon frère pourquoi il m'a fait autant de mal, je lui dit qu'il a détruit ma vie d'enfant, d'adolescente et de femme. Je lui reproche d'être parti sans que l'on ait pu régler nos comptes etc........

    J'ai écrit dans les larmes, je suis bouleversée ensuite, mais soulagée quand c'est terminé.


    Dans la journée je suis dans un gros coup de blues, je trouve que la vie est triste, monotone.


    La veille de la séance chez mon psychiatre, j'écris les deux autres lettres:

    La seconde ,étant la réponse de mon frère, je mets qu'il ne pensait pas me faire autant de mal, que ce n'est pas aussi grave que cela etc..........

    La troisième est très courte; la réponse que j'aurais souhaitée recevoir c'est : PARDON de t'avoir fait du mal petite sœur.


    Jour "J" de séance, je suis très angoissée, je vais la relater ici sous forme de dialogue :


    • Dr: Alors?

    • P: Il y a des hauts et des bas.

    • Dr: C'est bien s'il y a des hauts, sur une échelle de 0 à 10, vous les situez à combien?

    • P: Pfffffffff, 5-6

    • Dr: 5 ou 6?

    • P: 6

    • Dr: bien et les bas?

    • P: 1

    • Dr: Ok

    • P: Cela a été dur en rentrant la dernière fois.

    • Dr: Le plus dur a été quoi?

    • P: J'étais très très angoissée tout le week-end et le lundi j'ai du avancer la date de cette séance.

    • Dr: Mais c'est comme une plaie qu'il faut gratter, faire saigner, cela fait très mal mais c'est pour guérir après. Quand vous allez mal, quelle est la personne qui vous parle en vous ?

    • P: Je ne sais pas.

    • Dr: Est ce le parent moralisateur qui dit: C'est pas bien, tu n'en fait pas assez, tu dois travailler, tu ne dois pas t'amuser......

    • P: Oui un peu.

    • Dr: Ou bien l'enfant qui a souffert, qui ne va pas bien, qui veut que l'on s'occupe de lui, veut se confier ? ou l'adulte qui a atteint une certaine maturité, qui veut profiter, se faire plaisir ?

    • P: Je crois que c'est plutôt l'enfant.

    • Dr: Oui parce que pour tout le monde il y a trois personnes en nous.

      (après un silence qui me paraît long)

    • P: Sinon j'ai fait les lettres.

    • Dr: J'attendais que vous m'en parliez, vous les avez?

    • P: Oui

    • Dr: Vous voulez me les donner ou pas?

    • P: Oui, j'ai écrit la première samedi dernier, je ressentais le besoin, mais cela a été très dur. Au début je me suis sentie soulagée, mais épuisée, et le lendemain je me sentais mal.

    • Dr: Vous pensiez à quoi quand vous étiez mal?

    • P: A la vie qui n'est pas intéressante, je ne me raccroche à rien, c'est comme quelque chose de très profond qui revient.

    • Dr: Oui ?

    • P: Mais il y a quelque chose qui me gêne.

    • Dr: Oui

    • P: Cela me culpabilise d'en vouloir à mon frère parce qu'il est mort.

    • Dr: Mais cela ne change pas les faits, et la culpabilité était en vous avant de faire la lettre sans doute ?

    • P: Oui

    • Dr: La culpabilité se retourne contre vous, et vous empêche de vivre, de vous en sortir, c'est un moyen de maintenir le lien avec votre frère, mais il faut laisser les morts ou ils sont et ne pas vivre avec eux.

    • P: Il y a autre chose qui me tracasse en lien avec la culpabilité, mais je n'arrive pas à en parler (larmes +++).

    • Dr: C'est dur, mais il faut vous décharger de cela.

    • P: (en me cachant le visage avec les mains et en pleurant) C'est par moment, je me culpabilise car j'ai peur d'avoir eu du plaisir.

    • Dr: Mais cela ne change rien; il peut y avoir plaisir, excitation, mais vous avez subi. Et en plus, c'est un viol incestueux, vous n'avez pas pu ressentir grand chose, vous aviez 11 ans?

    • P: Oui

    • Dr: et votre frère?

    • P: 16, non, 15

    • Dr: Cela ne change rien, justement cela enlève toute implication de votre part, vous n'êtes pas coupable.

    • P: Et en plus je ne savais pas ce qui m'arrivait et je pleurais, mais j'aimerais me rappeler de tout, avant et après, je ne me souviens que du viol.

    • Dr: Vous rappeler pour savoir si vous êtes coupable?

    • P: Non, pour être sure que je ne suis pas coupable.

    • Dr: Vous étiez une enfant, il y a des jeux d'enfants et des jeux d'adultes que l'on n'a pas le droit de faire subir à une petite fille. Mais si vous voulez vous rappeler, on pourrait travailler sur la mémoire par différentes techniques.

      On retravaillera tout cela et on laissera ensuite la cicatrice se mettre en place.

      Vous n'étiez coupable que d'ignorance.

      Si cela ne va pas ensuite, écrivez votre colère, cela soulage.

    • P: Je ne vous l'avais pas dit, mais j'écris mon journal intime depuis 4 ans.

    • Dr: C'est bien, mais il faudra arrêter un jour pour passer à autre chose.

    • J'écris surtout le présent, ce que je vis, mais pas des choses comme les lettres.

    • Dr: C'est très fort et c'est bien de l'avoir fait, c'est très courageux et un bon moyen de s'en sortir (il les a lues tout haut, pas facile pour moi encore) et les a rangées dans mon dossier.

    • P: Je les ai faites d'un jet, sans réfléchir, et je n'ai pas mis plus de quinze minutes.

    • Dr: Si Pâquerette adulte, voit Pâquerette 11 ans, est ce qu'elle se sent coupable?

    • P: Bien sur que non, puisque je ne savais pas ce qui m'arrivait.

    • Dr: Ah j'aime Pâquerette qui dit cela.

      Occupez vous de l'enfant en vous, parlez lui, rassurez la, ce qu'elle n'a jamais eu.

    • P: Oui on ne m'avait jamais dit que je n'étais pas coupable, puisque je ne pouvais pas en parler de cette culpabilité.

    • Dr: Bon si cela ne va pas, vous m'appelez et maintenant, vous refermez le tiroir, on reprendra tout cela la prochaine fois.

    • P: Oui c'est dur de réussir cela.



     Je ne suis pas mal en sortant je me sens plus légère, j'ouvre le tiroir le soir pour écrire ma séance, afin de pouvoir le refermer ensuite.


     La nuit qui suit je fais un rêve très significatif: je suis dans une piscine d'eau sale et gluante avec plein d'algues, et quand j'allais au fond, j'avais beaucoup de mal à remonter. (Cela veut bien dire que je suis dans la mouise, dans la saleté et que je suis loin de remonter vers le propre, en tout cas que c'est difficile )

    Au réveil c'est migraine et nausées !!!Quel travail cette thérapie, mais c'est pour aller vers du mieux, cela reste quand même un parcours du combattant.




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