• Chapitre 2, partie 12 - La révélation

    La révélation

     

    En ce mois de novembre 2000, je participe à un groupe de parole à l'association. Nous sommes 5 personnes en plus des deux écoutantes. Et quelle n'est pas ma surprise, une dame qui a pratiquement mon âge, et qui vient pour la première fois a une histoire semblable à la mienne à peu de choses près. Abusée par son frère à 10 ans, il avait 4 ans 1/2 de plus qu'elle, il est décédé accidentellement avant l'âge de 30 ans. Sa mère, maltraitante, est décédée, elle est mariée, a 3 enfants, et vit douloureusement tout cela. Elle a compris et réalisé 5 ans avant, que c'était grave et que c'était la cause de sa dépression.

    Et surtout elle a parlé à son père de 88 ans quelques mois auparavant (ce que je me prépare à faire), pour elle cela s'est bien passé et elle s'est sentie libérée.

    Je suis époustouflée d'abord d'entendre une histoire aussi approchante de la mienne, et puis parce que cela me décide à parler à mon père. Une bénévole me dit que c'est la seule personne qui vivait au moment des faits et que c'est important de le faire. Tout le monde m'encourage encore au moment ou nous nous séparons.

     

    Le lendemain, je vois mon homéopathe, nous abordons la future révélation. Il me dit de me préparer à tout et me cite la

    devise des marins:

    - Prépare le pire

    - Espère le meilleur

    - Accepte ce qui vient.

    En précisant que le pire serait que mon père ne me croit pas, que le meilleur serait qu'il me dise: ma pauvre petite fille, comme tu as du souffrir. J'avoue que je ne sais pas du tout qu'elle sera sa réaction.

     

    Le jour suivant, j'avance rendre visite à mon père et ma belle mère, je suis très tendue avec une migraine carabinée. Je fais mon enquête discrètement pour savoir si ma belle mère s'absente la semaine suivante, c'est difficile, mais j'apprends qu'elle ne sera pas là le mardi après midi, alors ce sera le jour J pour parler à mon père, je ne dis rien mais je vais organiser cela.

     

    Trois jours avant cette date, mon mari m'a demandé ce que j'avais imaginer dire à mon père, je lui dis et il avait pensé presque la même chose.

     

    Je suis soutenue aussi par mes trois amies proches, nous avions diner ensemble peu de temps avant, mon amie M. m'appelle la veille de ce jour pour me dire qu'elles pensent toutes à moi très fort, c'est réconfortant.

     

    La veille de ce fameux jour, j'appelle mon père pour lui demander de venir ce mardi 20 novembre, il m'avait donné un pantalon à réparer, je lui dis qu'il est prêt, je suis sure qu'il sera seul, puisque sa femme est absente. Il hésite puis dit qu'il passera rapidement, et demande si mon mari sera là. je pensais lui dire que je voulais lui parler, mais je n'ai pas eu le courage, je trouve que cela ne se présente pas trop bien, enfin c'est lancé.

     

    JOUR "J"

     

    Le matin, j'ai décidé de sécher mon cours d'anglais, par contre j'ai maintenu celui de yoga ou j'ai pu bien me relaxer. La veille au soir, j'avais augmenté ma dose de tranquilisant et ce matin, je me suis sentie extraordinairement en paix.

     

    Cela commence à se tendre intérieurement en déjeunant avec mon mari, puis en attendant l'heure ou mon père arriva. J'ai repris un demi cachet, mais je pensais gérer seule au début, puisque mon mari était de nuit cette semaine là, il se reposait, je croyais ne pas le déranger tout de suite. Mais dès que je vis la voiture de mon père arriver, je suis allée en courant prévenir mon mari, ce fut un geste pulsionnel pour moi.

     

    Je fais entrer mon père, nous nous installons dans la salle, nous prenons un café, dès qu'il est terminé mon mari va s'asseoir sur le bord de la cheminée, mon père et mois restons devant la table. Je me lance, dans un état d'angoisse !!!

    & J'avais envie que tu viennes parce que je voulais te parler, j'ai des choses à te dire.

    - !!!

    & Des choses pas faciles, ce n'est pas avec M. ( son épouse ) ça y est, ça va mieux.

    - Oui, il ne faut pas y faire attention.

    & Non, c'est passé. Mais quand il y a eu les histoires avec M. je t'avais dit que j'étais sous anti dépresseur, j'y suis toujours et depuis pas mal d'années, je ne suis pas très bien.

    - Ah !

    & Oui, c'est depuis 1991, mais maintenant je sais pourquoi.................ce n'est pas facile.............

    - !!!

    & Quelque chose s'est passé quand j'avais 10-11 ans, j'ai été violée.

    - Ah!

    & Oui

    - Il fallait le dire.

    & Ce devait être trop douloureux et je ne m'en suis plus rapellée.

    - Ah!

    & Tu ne veux pas savoir qui c'est ?

    - !!!

    & Cela va te faire de la peine............c'est JP. ( mon frère)

    - !!!

    Il était très ému et surpris avant, mais dès qu'il sait qui c'est, il se décompose, il a les larmes aux yeux, mais ne pleure pas.

     

      & Je ne voulais pas t'en parler pour ne pas te faire de peine, mais le psychiatre qui me suit et les médecins disent tous que je devais te le dire pour m'en sortir.

     

    Il semble ne pas être trop d'accord et semble choqué.

     

    & Mais je vais un peu mieux.

     

    Mon mari : oui ça va drolement mieux, il y a des moments ou ça n'allait vraiment pas.

     

    & Oui quand je suis partie en cure en juillet, j'allais vraiment mal.

    - Cela arrivait dans le temps des choses comme ça, il faut oublier, ne plus y penser.

    & Oui, mais ce n'est pas facile, s'il avait été en vie je lui aurais dit en face.

    - !!!

    & Mais vous ne vous étiez rendus compte de rien ? maman non plus ?

    - Maman, je ne sais pas, une fois elle était revenue en pleurant de chez sa mère, elle n'avait pas voulu me dire pourquoi, j'avais pensé que c'était à cause de son frère. ( je ne vois pas trop le lien avec mon histoire)

    & Mais c'était à quelle période ?

    - Je ne sais pas.

    & Mais il n'était pas bien JP. il avait surement un problème, il était tellement nerveux quand il était petit.

    - !!! il semble étonné et pas vraiment d'accord.

    & Mais maman a toujours été malheureuse, moi je ne veux pas passer ma vie comme elle. Elle disait toujours que ses frères l'avaient fait souffrir.

    - Oui, H. buvait et faisait des crises d'épilepsie.

    & Je sais qu'il s'est suicidé, maman me l'avait dit lorsque j'avais 18 ans.

    - Oui, et on l'a caché à tout le monde pour ne pas que ses parents le sachent, comme cela s'était passé à l'hôpital.

    Et il raconte la vie des mes oncles celles de son frère et de sa soeur, je crois qu'il veut me confier tout ce qui l'a fait souffrir lui. Mais il ne dit rien de plus sur ma mère et sur mon frère.

     

    Au milieu de tout cela, vers le début d'ailleurs, il s'est levé, j'ai cru qu'il allait partir, non c'était pour s'asseoir sur le canapé, mon mari pensait aussi qu'il partait. Puis il a discuté longuement avec mon mari, de bois, de voiture, de bricolage, j'ai repris ma couture, mais j'étais mal, j'ai trouvé le temps long, si long.

    Mon père est resté pendant 2H10 à la maison et mon histoire a pris environ 10 minutes.

    Quand il est parti, je l'ai embrassé un peu plus fort que d'habitude en lui mettant les mains sur les épaules (  je rapelle que mon père était très distant et très froid ) , je lui ai demandé si cela allait aller, et il m'a dit:

    - Oui, il faut oublier

    & On ne peut pas oublier, mais maintenant que je te l'ai dit, je vais pouvoir passer à autre chose.

     

     

    Il est parti en oubliant la raison qui l'avait fait venir, son pantalon réparé.

    Après son départ mon mari me dit: il se voile la face, il ne veut plus en entendre parler. Mon chéri a tout compris lui.

     

    Mon amie M. que j'ai au téléphone le soir me dit: il ne peut pas parler sans doute, il lui faut digérer. Oui surement. Je pleure avec mon amie et c'est vraiment libérateur.

     

    Ma fille qui est par là veut savoir aussi comment cela s'est passé.

    Par contre la petite handicapée que j'accueille me sent préoccupée et est franchement désagréable, cherchant à attirer mon attention en permanence.

    Mon fils ainé appelle, je lui fais part de ce qui s'est dit avec son grand père, il est très content pour moi.

    Quand mon second fils rentre de la fac, je lui en fais part aussi, il avait le pressentiment que cela se passerait ainsi, il connait son grand père.

     

    Mon père appelle le soir pour l'oubli de son pantalon, puis il y a un gros blanc, je lui demande si ça va, il répond: il faut oublier. Je ne réponds rien je pense que ce sera sa devise jusqu'à la fin, et pourtant non, il n'en reparlera pas jusqu'au moins d'Août suivant, il était en fin de vie et sa version avait changé.

     

    Quelle journée difficile émotionnellement, mais le soir, outre la fatigue j'éprouve un énorme soulagement, c'est fait.

     

     

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  • Commentaires

    2
    Jeudi 3 Février 2011 à 08:46

    C'est la réalité, que veux tu. parfosi il y a des vieilles angoisses qui se réveillent.

    bisous Flo

    1
    Samedi 29 Janvier 2011 à 10:49
    Dur dur ton vécu Paqui, ça me retourne tout l'intérieur, tu as bien fait de te soulager en le disant à ton père
    Amitiés, Flo
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