• Ce passé douloureux; chapitre 2- partie 12



     Je reprends mon récit: Février 1999

    - Je n'ai pas terminé mon dernier récit sur le 1er entretien à sos-inceste : on m'a dit tellement de choses intéressantes et vraies:

    * Quand je m'étais sentie très mal après une séance chez ma psy qui me trouvait
    " bien" c'est que j'avais peur que l'on ne parle plus du traumatisme, que l'on remette le couvercle dessus, que je retrouve cette situation de ne plus pouvoir en parler, de mutisme imposé, cela m'a renvoyée à un passé trop douloureux.

    * Quand des brides de la mémoire me revenaient ( je me souviens en particulier à la mort de mon frère) je minimisais en me disant " ce n'est pas grave, c'était des jeux d'enfants " C'est parce que c'était trop douloureux et je refusais de comprendre et d'y attacher de l'importance pour me protéger de la réalité.

    *J'ai aussi beaucoup parlé avec les bénévoles des âges des enfants au moment des pires difficultés, c'était à ces périodes précises et pas anodins.
    - Début de dépression: mon aîné avait 15 ans.
    - Hospitalisation en clinique psychiatrique: ma fille avait 10 ans
    - La mémoire du viol est revenue: ma fille avait 11 ans et son second frère 16 ans.
    - Ma fille a lu mon journal intime quand elle avait 12 ans, un grand choc pour moi.
    Comme je ne situe pas l'âge exact mais qu'il me semble, à des vagues souvenirs que j'avais entre 10 et 12 ans, je pense que vraiment ce ne sont pas des hasards.
    - La première lecture du livre " le viol du silence" a surement eu lieu quand j'ai commencé ma dépression en 1991, mais j'avais aussi occulté cette lecture, je n'étais pas prête encore à voir la vérité en face.

    * Les bénévoles disent aussi que l'on ne se complait pas dans notre souffrance (je culpabilisais beaucoup à ce moment là) Il faut la revivre pour l'évacuer.
    On me dit d'accepter les moments où cela ne va pas, après ce sera une renaissance, j'avais vraiment du mal à le croire à l'époque.

    * On m'a dit aussi que je pouvais téléphoner quand j'en ressentais le besoin, je le fais deux jours après, j'ai besoin d'entendre à nouveau une voix rassurante et qui " sait"
    J'ai besoin que l'on me redise des choses qui font du bien, et d'entendre ces paroles me permet de libérer des émotions, enfin !!!
    Je demande des renseignements sur le groupe de parole, on me rappellera.

    La semaine suivante, on me rappelle pour fixer un RV avec deux autres bénévoles, dont l'une anime le groupe de parole. A nouveau c'est une écoute et je dois raconter mon histoire, c'est douloureux et j'aurais aimé qu'elles sachent sans que j’aie besoin de dire encore.
    Enfin je pense que j'irai au groupe de parole de Mars, je vais faire un essai en tout cas.


    Groupe de parole, Mars 1999


    Pour moi c'est une première, et l'angoisse était forte en voiture en m'y rendant.
    Il y a 7-8 participantes en plus des deux bénévoles, je suis la seule nouvelle, j'écoute les histoires des autres, ce n'est pas facile et à la fin l'une des bénévoles me dit:
    - Et si tu nous parlais de toi ?
    J'ai juste pu dire: Je suis mal !!!

    Je repars dans un état mitigé, j'ai fait un pas certes, mais c'est tellement douloureux et je trouve que les gens ne racontaient pas beaucoup leur inceste, beaucoup plus leur vie actuelle qui n'est pas très drôle non plus.

    J'ai un autre projet: emmener mon mari en entretien avec moi à l'association pour qu'il entende toutes les choses que l'on m'a dites car il ne comprend pas que je ne puisse pas tourner la page, que j'y repense toujours !!!!
    Il n'est pas vraiment décidé, mais il finit par accepter; pour me faire plaisir je pense.
    Je rappelle donc l'association et on me donne un RV pour nous deux ensemble.

    Après cette prise de contact avec l’association, j’en parle un peu en séance de thérapie, ma psychiatre trouve que c’est courageux d’avoir fait ce pas.

    On fait un bilan avec elle : Je viens de traverser 2 ou 3 mois de crise négative très douloureuse, cela a été long mais plus dans la conscience. Elle pense que c’est positif, que l’inconscient me tirait en arrière avant et résistait.

    Je lui fais part de ma crainte de faire des rechutes. Comme je vais mieux, elle diminue le traitement et espace les séances tous les 15 jours (cela va toujours très vite avec elle)

    Je suis très mal après la séance, peur d’être abandonnée trop tôt, cela me redonne : mélancolie, ennui, désintérêt pour tout.

    Je parle de cela avec ma thérapeute en « focusing », elle pense qu’il aurait fallu que j’explose quand la psychiatre a fait ces propositions qui ne me convenaient pas, j’aurais sans doute été mieux après la séance.

    Puis on aborde chez elle la mort de mon frère : je dis que j’avais eu une réaction exagérée de chagrin, d’angoisse. Je ne comprends pas cet attachement à ce moment là, alors qu’il m’avait fait tant de mal, même si je n’en avais pas encore conscience. Maintenant je lui en veux d’être mort, de m’avoir fait du mal.

    Elle me demande si je suis prête à tourner la page sur la partie de moi qui ne va pas bien, mais non, pas encore, il me faut du temps. Je prends conscience de la culpabilité que je ressens sur le lien qui m’unissait à mon frère, et j’en suis très troublée.

    Pour la suite du mal être ressenti après la séance chez la psychiatre, mon angoisse me pousse à lui téléphoner quelques jours après, elle m’entend !!!

    En séance suivante, je peux lui dire que j’ai paniqué et angoissé parce que j’ai eu l’impression que tout allait trop vite. 
    Peut être aussi un refus d’aller mieux, car je ne connais pas !!!

    J’ai peur aussi de ne plus pouvoir parler du traumatisme, je ne peux plus me taire, NON.

    L’après midi même, je téléphone à l’association, c’est trop douloureux tout cela. On me dit que ce serait bien de parler aux enfants, ils sont amputés d’une partie de mon histoire, et ils me provoquent pour me pousser à parler, ils voient bien que je vais mal.

    Mon mari peut venir avec moi pour un entretien avec deux bénévoles, c’est vrai que je ne lui dis pas grand-chose de ce que je vis en ce moment, c’est pour le protéger, j’ai passé beaucoup de temps de ma vie à protéger les autres.

    Après l’entretien téléphonique, j’ai un poids en moins, comme souvent.

    Quelques jours après au cours d’un dîner au restaurant avec mon mari, je suis triste, dans mes pensées, je n’ai pas faim, je n’ai goût à rien.

    Je réussis à lui dire ce que je ressens, à lui parler de l’association, il comprend, mais n’a pas toujours les mots justes.



    Ce début d’année 1999

      Chez ma psychothérapeute, je décris une crise d’angoisse :

      * Je suis oppressée, je sens l’angoisse monter, et il faut que je parle à quelqu’un au téléphone, cela peut être une amie, une bénévole de l’association, ou ma psychiatre. En général après avoir dit ce qui me pèse et après avoir pu pleurer avec quelqu’un au téléphone, je me sens mieux.

    Je dis aussi que je n’ai pas encore raconté tout ce dont je me souviens des abus, elle me le propose et je réponds que je crois que je ne pourrai jamais,( en fait je le ferai juste un an et 2 mois plus tard ).

    - Elle me dit qu’il faut être prête et demande pourquoi je ne peux pas ?

     *  J’ai honte et c’est trop intime.

    - Il y a un temps pour s’occuper de la petite fille qui a souffert : en thérapie, à l’association. Sinon essayer de vivre sans angoisse, il faudrait réussir à faire cela (peut être simple pour elle, pas pour moi)

    Que sentez vous qui a changé depuis 3 ans ?

    Tout ce travail est très profond et me travaille énormément, me trouble, mais je pense quand même que ces entretiens sont des parenthèses dans ma vie, des parenthèses sur le chemin douloureux de la reconstruction, et que le reste du temps, je devrais être bien, malheureusement ce n’est pas la réalité, c’est très difficile de se déconnecté la tête en repartant pour passer à autre chose.

     

    Février 1999

    J’ai fait un rêve très significatif :

    « J’étais prête à tomber au bord d’un précipice, et je glissais dangereusement, quelqu’un me retenait par la main, mais je glissais et je disais à la personne de me laisser glisser, que je n’avais plus le courage de lutter »

      On m’explique qu’une partie de moi veut s’en sortir et que l’autre veut encore lâcher.  C’est vrai que je fais beaucoup de choses pour avancer, mais à côté, je me traîne, j’ai beaucoup de migraines et n’ai plus le courage de lutter.

    A la maison, je relâche beaucoup au niveau du ménage, je fais tellement de nettoyage dans ma tête que je ne peux pas tout faire. Avant j’avais tellement l’impression d’avoir été salie que j’étais maniaque et j’avais besoin de récurer ma maison. 

     Vers la fin de ce mois, une idée germe dans ma tête : parler aux enfants, leur raconter une partie de mon histoire, mais comment faire pour qu’ils ne soient pas trop choqués ?

     J’ai peur qu’ils soient mal après, et pourtant !!! Ils se demandent sûrement pourquoi je vais mal, ils ne peuvent pas comprendre et le climat familial se détériore, ils me provoquent :

     Un soir ma fille pour qui une réflexion de ma part avait agaçée, m’a frappée. Son frère me dit que je n’aurais pas du avoir de 3ème enfant si je n’étais pas capable de faire face. Ils me tendent des perches pour voir jusqu'où ils peuvent aller dans la provocation, je ne les saisis pas, trop difficile

    Un jour, ma fille vient avec moi en ville pour faire du shopping. Elle m’attend dans la voiture pendant ma séance psy, je suis mal en cette fin de séance car j’ai annoncé à ma psy que je faisais une autre thérapie corporelle, celle-ci, comme elle ne connaît pas elle répond sur un ton ironique qui ne me plait pas du tout, qui me blesse même. Ma fille voyant mon état me tend un mouchoir, c’est dur, on ne peut pas toujours cacher, en voici la preuve.

     Je suis si mal, pendant que ma fille est dans une librairie j’appelle mon amie M. d’une cabine, juste pour évacuer le mal être ressenti pendant cette séance, cela a eu l’effet espéré, dans les larmes j’ai éprouvé une libération, merci M.

    Je prends des décisions en cette fin de mois, juste 3 ans après que ma mémoire s’est rappelée à moi. :

    Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour faire tout cela, mais je le ferai, c’est sur, et je suis persuadée que je me sentirai plus légère ensuite, libérée d’un poids, que je serai en voie de guérison, que j’aurai avancé sur le chemin qui y conduit.

    Désormais je vais fonctionner sur ce mode d’étapes à franchir.

     

     Octobre 1998 – Février 1999 : c’était le creux de la vague, mais je ne pensais pas à l’époque que ce n’était que le début de La Traversée de la douleur, elle durera encore six longues années !!!

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  • Commentaires

    2
    Vendredi 21 Novembre 2008 à 15:32

    oui barzys tu as raison, la parole qui délivre

    biz

    1
    Mercredi 12 Novembre 2008 à 21:46
    Parler de sa douleur, mlgré ce que cela engendre comme douleur supplémentaire n'est il pas un moyen de se libérer de la croix que l'on porte ? Amitié, Barzys.
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