• Ce passé douloureux: chapitre 1, partie 3

     Janvier 1995 :

    Ce n’est pas possible de reprendre le travail, de nouveau, augmentation de mon traitement avec cette fois deux antidépresseurs en plus des anxiolytiques, mais mon état dépressif ne diminue pas. Toutefois en famille je réussis très bien à mettre mon masque, personne ne voit combien je suis mal sauf mon mari et mes enfants. A un repas chez mon père , un dimanche , toute la famille était là , des cousines éloignées en plus , j’étais très mal , personne n’a rien vu , j’ai bien caché comme d’habitude , sauf que là mon état s’est dégradé et le mercredi suivant j’ai craqué, à table avec les enfants je fonds en larmes, je n’avais pas trouvé le sommeil la nuit précédente, j’essaie de faire une sieste et impossible de relâcher, je prends la décision d’aller chez le médecin, elle m’écoute, je ne peux plus bouger, je ne supporte plus la maison et les enfants et je ne veux pas y retourner, j’ai envie de dormir pour toujours, je voudrais en finir pour avoir la paix, pour ne plus souffrir, elle appelle mon psychiatre qui donne un RV pour le soir. Et puis je suis incapable de reprendre ma voiture, elle appelle mon mari qui vient me chercher avec mon fils.

    Le soir mon mari m’accompagne chez le psychiatre, la décision est prise pour une hospitalisation en clinique psychiatrique à 100 Km de la maison.

    Un comprimé de neuroleptique donné par le psy me permet de trouver un sommeil artificiel pour cette nuit là,  mais me vaut une syncope au cours d’un lever, mon mari angoissé m’aide à me recoucher.

    Le lendemain, tout est organisé, je suis attendue à la clinique le jour suivant qui est un vendredi.

    Le dimanche nous avions invité les deux familles pour les 10 ans de notre fille, pauvre puce, elle se rappelle que je n’étais pas là pour son anniversaire.

    Je suis incapable de décommander tout ce monde et je laisserai mon mari le faire après mon entrée en clinique, tâche très désagréable pour lui car personne ne se doutait que j’allais mal, quoi dire ? Il se débrouille du mieux qu’il peut après m’avoir conduit à la clinique.

    Mon mari a beaucoup de mal à me laisser dans cet établissement psychiatrique, éloigné de la maison, quand le médecin a annoncé un séjour d’au moins trois semaines, il voulait me ramener à la maison.

    Un mois de clinique: cure de sommeil, perfusions pendant 15 jours. Je suis ralentie, endormie, mais me sens apaisée enfin !!! Pas de visites la première semaine. Puis mes enfants et mon mari viennent tous les dimanches. Pas de télévision ni de téléphone dans la chambre 
    Je m’isole au début, je n’ai pas envie de rencontrer d’autres personnes à problèmes. Pour moi si je suis là c’est juste pour mes insomnies et l’épuisement, mon psy n’a-t-il pas dit que c’était une dépression d’épuisement ?

    Tous les jours un psychiatre passe, pose des questions sur l’enfance, pour moi il n’y a eu aucun problème. Mais comment j’ai pu à l’époque n’avoir le moindre doute, le moindre souvenir ? Peur de ce que j’allais trouver ? Pas prête à le supporter ?

    Au bout de trois semaines j’ai envie de sortir, la quatrième sera difficile. J’ai du lutter pour convaincre le médecin chef que je voulais rentrer chez moi et que surtout j’allais mieux, il voulait que je prolonge au moins d’une semaine.

    Mes enfants, mon mari me manquent, leur visite hebdomadaire qui me fatiguait beaucoup au début ne me suffit plus, et puis physiquement je suis reposée, le sommeil n’est pas terrible mais les cliniques sont bruyantes la nuit. Je suis droguée au delà de ce que j’ai pu prendre jusqu’à maintenant. La veille de partir je me prépare à signer une décharge et mon mari prévient mon médecin traitant que j’aurai besoin d’une ordonnance pour poursuivre mon traitement. Et finalement lors de sa dernière visite le matin du départ, le médecin autorise ma sortie, que de stress et d’angoisse supplémentaire pour rien, je prépare fébrilement mes affaires, je sors, l’ordonnance dans le sac, c’est tout souriant que mon mari vient me « récupérer », lui qui avait eu tant de mal à me laisser, sa joie est communicative. J’ai fêté mes 43 ans en clinique bien tristement.

    Le trajet du retour : je ne l’oublierai jamais. Dès le départ, mon mari m’annonce qu’il a quelque chose à me dire, je suis déjà anxieuse et stressée en plus de l’excitation de rentrer, et puis se rajoute à cela l’inquiétude de savoir si je vais pouvoir supporter à nouveau l’ambiance familiale avec le bruit, la VIE, après ces quatre semaines isolée du monde. Pendant les 100 Km qui séparent la clinique de la maison, une seule conversation : il y a eu menace d’inondation et ils ont du, aidés de la famille , déménager toute la maison, les pièces et les meubles ont été entièrement vidés, tout a été mis hors d’eau, et ils ont dormi sur des matelas à même le sol pendant une semaine, puis les menaces ayant été levées, ils ont tout réaménagé. J’ai beaucoup de mal à réaliser tout cela, je ressens un mélange d’émotions désagréables : une angoisse de n’avoir pas été là pour les aider, mais à la fois un soulagement car je n’aurais pas eu la force de faire face à cela, et puis une impression désagréable d’intrusion dans mon intérieur (bien sur que je comprends mieux pourquoi aujourd’hui), une inquiétude pour mes enfants qui ont subi ce nouveau choc. Les larmes sont là sur cette route du retour, je me sens tellement fragile !!!Le trajet de ce retour qui aurait du être une joie s'avère bien triste .

    J’arrive à la maison épuisée, accueillie par les enfants, la joie de se retrouver est tellement forte cependant. Ils se sont appliqués à mettre la maison propre, mais il y a beaucoup de choses que je ne retrouve pas suite à ce déménagement et je suis complètement perdue.

    Les jours qui suivent sont difficiles, je suis épuisée, toute cette vie à la maison, cette sollicitation, moi qui venais de vivre un mois de solitude, j’appelle le médecin qui ajuste mon traitement. Mon père et ma belle mère viennent me voir,  je ne fais que pleurer. Il me faudra une semaine pour reprendre pied dans la vie, cette période laisse en moi un souvenir de souffrance: le séjour en clinique bien sur, mais enveloppé comme dans un univers cotonneux sous l’effet des médicaments, mais surtout le retour à la maison brutal et la reprise de la vie précédente. Qu’est ce qui a changé ? Je suis moins fatiguée, je dors un peu mieux, mais je prends tellement de médicaments.

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  • Commentaires

    3
    Mercredi 8 Septembre 2010 à 09:14

    Je pense qu'à l'époque il n'y avait pas d'autre solution pour dormir mais rester en vie.

    je n'étais pas capable de parler encore, tout était enfoui si profondément en moi.

    bises

    2
    Lundi 30 Août 2010 à 20:35
    Pourquoi cette décision de te faire intégrer un hôpital psychiatrique... Avant même de comprendre quoi que ce soit !
    Les psychiatres ne cherchent parfois pas beaucoup. Tu avais sans doute bien des choses à évacuer !

    C'est, à mon sens, faie pire que mieux que de droguer ainsi une personne.

    Je vais continuer ma lecture demain.

    Bisous et merci pour ta venue sur mon blog.
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    1
    Lundi 27 Octobre 2008 à 21:08
    Aaahhh! les méandres du subconscient... On croit avoir oublié, mais tout est là en nous... Bisous Paquerette
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